Impression(s), soleil

du 10 septembre au 08 octobre 2017

Naissance d’un chef-d’œuvre

Ballon rouge-orangé s’élevant au-dessus de l’eau, le soleil, peint en aplat, est le seul élément aux contours parfaitement définis. Sa lumière, encore pâle, baigne l’atmosphère générale d’un tableau qui, par ailleurs, n’est que brume, vapeurs et fumées, laissant deviner un paysage fantomatique, esquissé d’une touche vive et rapide. Si le sujet qui intéresse Claude Monet est bel et bien le rendu d’une impression du paysage - dans un style marqué par l’esthétique de son aîné Joseph Mallord William Turner -, qu’il fixe sur la toile au lever du jour, le peintre n’en reste pas moins un observateur précis de la topographie des lieux. Monet a peint le port du Havre un matin de 1872, depuis le deuxième ou le troisième étage d’une chambre d’hôtel du Grand Quai, probablement celui de l’Amirauté. Il représente le port industriel tel qu’il est à cette époque. Au centre de la composition apparaît l’écluse ouverte des transatlantiques, à gauche le quai au Bois et ses cheminées fumantes, et à droite, le quai Courbe en travaux, avec ses grues.

Monet et Le Havre

Claude Monet a cinq ans quand sa famille s’installe au Havre en 1845. C’est là qu’il se forme, qu’il peint et expose ses premières œuvres (en 1858 un paysage de Rouelles, peint aux côtés d’Eugène Boudin). Il quitte la ville en 1859 pour aller étudier à Paris, mais il revient régulièrement dans sa famille. Au cours des années 1860, il peint une petite trentaine de toiles au Havre ou à Sainte-Adresse. Toutes ont pour sujet la plage, les régates, la jetée. En 1870-1871, réfugié à Londres (guerre contre la Prusse), il est fasciné par ce grand port moderne. Il découvre également les œuvres de Turner à la National Gallery.
 
De retour en France, Monet séjourne occasionnellement au Havre. Son intérêt se porte désormais sur le port. Il peint plusieurs toiles entre 1872 et 1874, dont Impression, soleil levant. Cette toile est présentée en 1874 à l’exposition de la Société anonyme des peintres, graveurs, sculpteurs dans l’atelier du photographe Nadar à Paris. Pressé de donner un titre à cette œuvre, Monet indique « Impression, soleil levant ». Louis Leroy, critique au journal satirique, Le Charivari, en tirera le terme « impressionniste » qui désigne désormais ce petit groupe d’artistes réunis autour de Monet.
 
Cette « impression » dont Monet disait qu’elle ne pouvait passer pour une vue du Havre, est pourtant bien un vrai paysage. L’artiste s’est installé dans une chambre de l’hôtel de l’Amirauté sur le Grand Quai (actuel Quai de Southampton), d’où il peut embrasser en surplomb l’avant-port. Se tournant vers l’est, il peint l’activité portuaire de ce petit matin. On distingue dans la brume à gauche, le quai au Bois et le bassin de la Citadelle, au centre, l’écluse des Transatlantiques ouverte et à droite, le quai Courbe du bassin de Floride. Monet peint donc un vrai paysage industriel. Mais ce sujet, peu académique, qui témoigne d’un intérêt nouveau pour le monde moderne, se double d’un véritable défi : saisir une impression fugitive d’un événement par essence éphémère : l’apparition et l’ascension de l’astre solaire qui s’accompagne d’une transformation particulièrement rapide des couleurs du ciel.
 
Pour parvenir à restituer avec justesse ce qu’il éprouve, Monet peint vite, peut-être en une ou deux séances. A la rapidité du phénomène, Monet répond par une peinture vivement esquissée, dans un temps bref. Il y a ainsi « une correspondance esthétique entre le temps représenté et le temps de la représentation ».
 
La notoriété d’Impression, soleil levant s’est imposée tardivement au XXe siècle et l’œuvre est maintenant considérée comme une icône de la modernité.
En savoir +