Patrick Lebret

du 13 février au 01 avril 1991

En 1991 le musée des Beaux-Arts du Havre donne à voir à son public l'œuvre tout en dérision de Patrick Lebret.
Patrick Lebret
PRÉFACE DU CATALOGUE

"L'une des dernières œuvres de Patrick Lebret s'appelle l'Aquarium. Dans une pièce aux limites mouvantes car un plafond de moquette lui fait perdre ses dimensions, comme deux pôles s'équilibrent deux aquariums conçus comme des colonnes. Ils sont seuls éclairés. Dans l'un, l'hameçon ; dans l'autre, le poisson. C'est dans cette distance entre deux éléments communément liés que s'insinue le comique de dérision de Patrick Lebret. Il ne naît pas sans une certaine dose d'inquiétude quand l'armature métallique de La Machine à soupe en mouvement frôle le spectateur ou que tourne dans une course aveugle, car sans chauffeur, l'équipage de la caravane !

Si les décors sont un peu fanés, ils ne perdent pas les vives couleurs de la réalité. S'il a été tenté, sous l'influence de l'usine désaffectée qui a été longtemps son atelier. Les œuvres les plus récentes sont construites. C'est dans le dispositif choisi que Lebret intègre la valeur de vécu, s'écartant du seul attrait des lieux marqués. Si certains décors, papiers peints, appliques, la poupée espagnole rappellent bien des choses, il ne fait pas l'étude sociologique du mauvais goût; il ne cultive pas le kitsch après coup. Car de sincérité, d'authencité qui lui permet de désigner d'autant plus fortement les circonstances d'un cycle de vie : la nourriture, la chambre d'enfant, les vacances, le lit conjugal (La Cheminée).

Ne nous y trompons pas. Le travail de Patrick Lebret n'est pas le recensement mené par le génial inventeur de machines extravagantes. Les premiers travaux sont proches de l'environnement qui les ont vu naitre. La Baignoire, Les Crabes portent une lenteur, un assoupissement qui n'est pas éloigné des lieux usés que sont les Friches industrielles. En matière de décor, il n'y a jamais de rencontres hasardeuses et il y a encore moins de hasard quand l'oeuvre choisit le nocturne, la lumière tamisée par les vitres peintes.

Les situations explorées sont réelles et le spectateur, souvent convié à être le protagoniste d'une oeuvre vers laquelle il doit se projeter ou dont, au contraire, il doit se garder, est confronté à une création à son échelle. Le mécanisme, le décor de plus en plus souvent mis en œuvre par l'artiste plutôt que transmis par le lieu même, détourné par l'absurde le rapport de consommation, la notion d'économie auxquels nous sommes habitués. Le dispositif étonnant de La Cafetière n'aboutit, par l'évaporation d'un énorme bassin d'eau et de grandes longueurs de tuyauterie, qu'à la confection de deux tasses de café. Une partie de l'efficacité des œuvres et de leur indéniable évidence vient de ce fonctionnement souvent aberrant et qui éclaire d'un jour railleur tel ou tel appareil quotidien. Ainsi en va-t-il de La Cafetière qui n'est guère qu'une application surdimensionnée de son homologue ménager.

Ainsi La Galère est l'illustration directe de cette expression commune et le balancement de l'expression Entre 10 et 12 reprend l'équilibre de deux formes faites de lattes de bois. Si les objets de Patrick Lebret peuvent fonctionner et donc piéger, avec humour et gentillesse, les idéaux d'une toute petite bourgeoisie, c'est qu'il s'applique à leur redonner la même liberté qu'aux mots."

Commissariat :
Françoise Cohen, Conservateur-adjoint des Musées du Havre
EN SAVOIR +