Georges Braque : L'espace

du 21 mars au 21 juin 1999

Deux raisons ont présidé au choix de Georges Braque pour l'exposition inaugurale du musée Malraux : la relation personnelle de Braque avec Le Havre où il vécut toute sa jeunesse d'une part et, d'autre part la cohérence d'époque entre une architecture, celle du musée créée par Guy Lagneau et une œuvre picturale qui, toutes deux, symbolisent la période moderne.
Ces deux œuvres ont pour point commun une attention particulière à l'espace qui a été choisi comme la thématique dirigeant la sélection des œuvres de Braque.
Georges Braque : L'espace
DOSSIER DE PRESSE

"En 1963, André Malraux, ministre d'État chargé des affaires culturelles, prononce l'éloge funèbre de Georges Braque devant la colonnade du Louvre.

Né en 1882 à Argenteuil, Braque passe toute sa jeunesse au Havre. Comme ses condisciples à l'École des Beaux-Arts du Havre, ses débuts sont placés sous le signe de l'impressionnisme. Braque, bien que plus jeune de cinq années que Dufy et Friesz, appartient de plein droit au groupe des Fauves havrais. Son oeuvre s'affirme au travers des contacts qu'il entretient avec ces deux artistes, puis du regard porté sur l'oeuvre de Cézanne. Durant l'été 1906, Braque suit Friesz à Anvers qui, pour sa part, a déjà passé un été là. Ce séjour consacre l'accession de Braque au fauvisme. Les séjours passés en 1907, en février à l'Estaque et durant l'été à La Ciotat de la même année, avec Friesz marque la fin de la réponse spontanée et directe au paysage extérieur.
 
Georges BRAQUE (1882-1963), Barque sur la grève, 1956, huile sur toile, 50,5 x 95,5 cm. MuMa musée d'art moderne André Malraux. © MuMa Le Havre / Charles Maslard © ADAGP
Georges BRAQUE (1882-1963), Barque sur la grève, 1956, huile sur toile, 50,5 x 95,5 cm. MuMa musée d'art moderne André Malraux. © MuMa Le Havre / Charles Maslard © ADAGP
Durant l'été 1908, Braque et Dufy sont ensemble à l'Estaque. Le passage de Braque vers le cubisme semble beaucoup plus déterminé que celui de Dufy, son aîné, dont les expérimentations cézaniennes se marient avec certains reliquats du fauvisme. Le véritable point de départ de l'oeuvre se situe à ce point. La relation avec les deux autres peintres havrais semble alors s'être inversée, l'initiative et la détermination étant du côté de Braque.

En 1929, Braque revient vers sa région d'origine. Il fait alors construire une maison et un atelier à Varengeville. Le paysage réapparaît à ce moment dans son oeuvre. Très proche stylistiquement des natures mortes contemporaines, quand il revient, mais de format nettement moindre, le paysage dans les dernières années de la carrière redevient un mode d'expression majeur de l'artiste. Très lyrique, personnel, il est également proche des paysages du plateau du Pays de Caux qu'ils représentent.

L'exposition n'est pas une rétrospective. Elle s'organise autour de la confrontation du rendu des espaces intérieur et extérieur. L'ensemble qui sera présenté au Havre rassemble 65 toiles. Il couvre une période allant de 1909 à la fin de la carrière. Laissant de côté les premières années et notamment le fauvisme, il explore les développements du traitement de l'espace dès lors que celui-ci a accédé à la pleine maîtrise de ses moyens. L'exposition ouvre sur un paysage de la Roche-Guyon daté de 1909 qui appartient au musée de Eindhoven. Il est la dernière étape dans l'évolution qui écarte Braque du paysage pur.

Georges Braque est connu comme peintre de natures mortes. Mais les nombreux entretiens donnés dans les années cinquante font apparaître que l'œuvre n'est pas pour autant centrée sur la représentation de l'objet. La mise en place d'un espace est un préalable à la présence de l'objet. Dans une conversation avec Dora Vallier en 1954, Braque souligne l'importance dans son évolution de l'abandon du modèle, comme un moment de libération créatrice. Dès les paysages cubistes de 1908, le monde extérieur n'est plus un modèle ; l'espace se ferme et perd sa profondeur sous la densité des touches. Les éléments naturels, bateaux, arbres sont ceints d'un tracé synthétique qui les rapprochent du traitement des objets dans les natures mortes contemporaines. C'est à ce moment que s'élabore une première contamination entre espace intérieur et extérieur.

Braque s'est fréquemment exprimé sur l'espace proche, tactile qui, pour lui, devait remplacer la perspective traditionnelle. Il le relie à la nature morte. L'exposition présente le cheminement qui mène de la nature morte cubiste à l'espace complexe des intérieurs. Au travers des papiers collés, de l'utilisation du motif de faux bois, de l'adjonction de sable dans la couleur, Braque fait intervenir les effets de matière dans la définition de l'espace. Les paysages des dernières années, presque abstraits, reviennent à un usage exclusif de la peinture à l'huile. Leur matérialité évidente crée à son tour un effet tactile, alors même que le point de vue choisi, des champs et un ciel, apparaissent comme le motif même de la fuite de l'espace vers l'infini. La plupart de ces toiles sont une sorte d'objet total où l'artiste renforce encore la concentration de l'espace pictural en peignant le cadre de la toile."

Commissariat :
Françoise Cohen, Conservateur du Musée Malraux
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