Anthony Freestone

du 28 septembre au 28 novembre 1994

Le Musée des Beaux-Arts du Havre présente la première exposition personnelle en France d'Anthony Freestone, jeune artiste franco-britannique. Ces œuvres, trente trois peintures figuratives, regroupées par série, mettent en relation des images empruntées au Moyen-âge anglais, à l'histoire de l'Écosse et de l'Afrique coloniale. Anthony Freestone utilise des images préexistantes. Comme certains peintres américains et français des années 70, il projette le document et le repeint, revendiquant le côté copiste de son art. La vérité du travail ne consiste pas en une image ou en un texte que l'on privilégierait par rapport aux autres, mais dans les relations de l'ensemble.
Anthony Freestone
DOSSIER DE PRESSE

"Depuis 1988, la peinture d'Anthony Freestone se développe comme un réseau de séries parallèles. Chacune consiste en une dizaine d'œuvres réalisées mais aucune n'est considérée comme achevée. Elles sont parfois interrompues mais il est possible que le hasard d'une rencontre les réactive. Les principales d'entre elles ont trait à Gerald of Wales (moine du XIIe siècle qui traverse le pays de Galles pour lever une armée pour la croisade), aux grands explorateurs de l'Empire Britannique, aux batailles qui opposèrent les clans écossais du XVe au XVIIe siècles, aux tartans reconstitués comme signe distinctif des familles écossaises au XIXe siècle, aux "visages de l'époque". Ce titre est emprunté au photographe allemand des années 20, August Sander, et correspond à une série où interviennent Michel Leiris, Freud mais aussi Louis Seye, ami de l'artiste. La vérité du travail ne consiste pas en une image ou en un texte que l'on privilégierait par rapport aux autres, mais dans les relations de l'ensemble.

D'une série à l'autre, il n'y a jamais de rupture. Anthony Freestone rassemble des détails biographiques, des citations qui rapprochent ces personnages entre eux et les relie à lui-même. Il n'y a pas de souci nostalgique dans cette évocation du Moyen-âge, des cathédrales, de l'Écosse ou de l'Afrique coloniale. Les voyageurs qui l'intéressent sont des figures de découvreurs. Il a le même intérêt pour eux que pour Freud comparant la découverte de l'inconscient à celle des sources du Nil. Si les petits faits biographiques qui cimentent le travail ont une telle importance, c'est que pour Anthony Freestone toute découverte est faite à la première personne, et que simultanément il n'y a pas d'identité individuelle qui ne soit constituée de multiples alluvions extérieures. Ainsi le nom de l'artiste Anthony Freestone (pierre de taille) est mis en relation avec une miniature montrant des constructeurs de cathédrales et avec le récit de Gerald of Wales qui désigne ainsi un phénomène géologique particulier. Stanley, explorateur comme Livingstone, est gallois; Livingstone est écossais mais toute sa vie est liée à l'Afrique, de même qu'une partie de celle de Louis Seye, ami de l'artiste, ou de celle de Michel Leiris, écrivain et ethnologue. C'est au travers de cette chaîne liant des faits d'échelle parfois très différente que se constitue l'identité du travail et celle de l'artiste.

Anthony Freestone utilise des images préexistantes. Comme certains peintres américains et français des années 70, il projette le document et le repeint, revendiquant le côté copiste de son art. Créer de nouvelles images ne l'intéresse pas. Il cherche à transmettre la fascination ressentie devant les rencontres successives que le hasard lui a offertes. Le tracé, les couleurs de l'image d'origine sont exactement reproduits, sans exclure toutefois complètement la touche et les effets de matière. Certains tableaux, comme les miniatures, les tartans, sont la reprise d'un seul document. D'autres œuvres sont le fruit de l'assemblage de différentes références: citations de récits, cartes, images, morceaux de venillia "faux marbre.” Mais aucun désordre en cela. Comme une sorte de construction, le montage se fait dans le plan du tableau. Chaque fragment a une fonction explicite par rapport au fait ou à la biographie évoqués. Tous les détails, les noms sont lisibles, de manière à ce que, à son tour, le spectateur puisse, comme l'artiste, constater les relations de sens. Cette lecture n'exclut pas un intérêt esthétique car il y a aussi, au travers du choix de Freestone, un attachement profond à ces images. La chance d'Anthony Freestone est de nous transmettre sa grande curiosité et une aptitude étonnante à pouvoir entrer en relation avec son temps, donc à se constituer lui-même comme "visage de l'époque".

Commissariat :
Françoise Cohen, Conservateur du Musée des Beaux-Arts du Havre
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