L’estuaire de la Seine, l’invention d’un paysage

Longtemps négligée par les historiens de l’art, l’histoire de la photographie est désormais  reconnue comme partie intégrante de la « grande histoire de l’art », et les liens entre peinture et photographie avérés chaque jour davantage. Comme pour les peintres, la Normandie fait figure de terre d’élection pour les photographes. Certains des premiers photographes (la photographie est inventée rappelons-le en 1839) sont originaires de cette région et celle-ci recèle des sujets, des défis propres à exciter l’imagination des artistes. La question notamment du mouvement dans le paysage - celui des bateaux, de leurs fumées, des vagues, des nuages… - devient un enjeu technique et esthétique important.
 
Mais la photographie, nouvelle technologie aux progrès fulgurants, va vite paraître un support adéquat pour documenter le patrimoine. En Normandie, un photographe comme Émile Letellier, membre de sociétés savantes, met son art au service de la Commission des monuments historiques et exécute toutes sortes de clichés sur les monuments et sites de la Seine-Inférieure. Il sera associé à la fin du siècle à une importante publication (La Normandie monumentale et pittoresque d’Alexis Lemâle), illustré d’héliogravures (photographies gravées), prolongement moderne de l’ouvrage de Taylor et Nodier illustré lui, de gravures.
 
À partir des années 1880, la photographie se perfectionne et sa pratique se répand auprès de nouvelles générations d’amateurs, regroupés souvent en sociétés photographiques. C’est le cas de Louis Chesneau, membre fondateur du Photo-Club Rouennais (1891). Ces amateurs pratiquent ensemble la photographie, mais aussi les loisirs sportifs, l’excursion. Les avancées technologiques leur permettent désormais d’enregistrer les mouvements. L’animation des villes, les régates sur la Seine… deviennent leurs sujets favoris. Les clubs organisent des réunions et des séances publiques de projection… avant l’apparition des premières séances de cinéma.