Pissarro dans les ports

du 27 avril au 29 septembre 2013

De six ans son aîné, Eugène Boudin exécute ses premières représentations de port au début des années 1850, peu avant l'arrivée de Pissarro en France.
Boudin un précurseur, par Hélène Leroi
Eugène BOUDIN (1824-1898), Le Havre, ca. 1869. © Libérec, Oblastni Galerie v Liberci
Eugène BOUDIN (1824-1898), Le Havre, ca. 1869. © Libérec, Oblastni Galerie v Liberci
Les ports du Havre, Trouville, Honfleur, Deauville fournissent très tôt à Boudin des sujets variés dont il exploite tout au long de sa vie les motifs de quais, bassins, jetées... Plus tard, ses voyages en Bretagne, Hollande, nord et midi de la France ou Venise lui permettront de renouveler son inspiration.
Le peintre ne cherche cependant pas à dresser le portrait des cités portuaires et il n'éprouve aucune véritable attirance pour les réalités urbaines et leur représentation réaliste. Optant généralement pour un point de vue à fleurs d'eau, souvent pris depuis les bassins et non depuis les quais, il excelle à peindre et à rendre la profusion des gréements, l'imbrication des mâtures des bateaux à quai et plus loin, les manœuvres des navires, la sortie ou l'arrivée des grands voiliers ou des steamers dans les ports. Ce parti pris renvoie le site même au statut de décor, simplement évoqué, mais non décrit de manière documentaire. Les silhouettes des hangars, des grues, des écluses ou machines à mâter, rapidement esquissées suffisent à camper le paysage tout en le rendant reconnaissable.
 
Eugène BOUDIN (1824-1898), Le Havre, le bassin de l’Eure, 1885, huile sur toile. Évreux, musée d’art, histoire et archéologie. © RMN-Grand Palais / Agence Bulloz
Eugène BOUDIN (1824-1898), Le Havre, le bassin de l’Eure, 1885, huile sur toile. Évreux, musée d’art, histoire et archéologie. © RMN-Grand Palais / Agence Bulloz
Boudin ne se soucie pas plus de cerner les gestes familiers de la vie portuaire ou d'en révéler les enjeux, comme le feront Pissarro et les néo-impressionnistes. Découvrant Bordeaux dont il réalisera néanmoins un « portrait » beaucoup plus réaliste (musée d'Orsay), l'artiste décrit le sentiment qui l'anime : « Pour mon compte j'aime peu les quais, il y a là un tohu-bohu de voitures, de colis, de barriques tout à fait comme au Havre ou plutôt comme à Anvers ; tourbillon agréable pour ceux qui compulsent (sic) leurs bénéfices par le nombre de ballots ou de barriques qui sont affalés par les grues, mais cela n'amuse pas le rêveur qui préfère un peu de silence et de solitude, et les voix plus monotones, mais aussi plus poétiques des éléments naturels ».
 
Eugène BOUDIN (1824-1898), Le Port de Dieppe, ca. 1896, huile sur toile. © Honfleur, musée Eugène Boudin / Henri Brauner
Eugène BOUDIN (1824-1898), Le Port de Dieppe, ca. 1896, huile sur toile. © Honfleur, musée Eugène Boudin / Henri Brauner
À sa manière, Boudin rejoint Pissarro qui affirme que le motif est secondaire et que seuls les effets atmosphériques comptent. Durant toute sa carrière, l'artiste privilégiera la recherche des « beautés météorologiques » qui avaient séduit Baudelaire en 1859. Il s'attachera à transformer ces phénomènes atmosphériques en purs morceaux de peinture, comme dans Le port de Dieppe (vers 1896), où mer et ciel se confondent, animés par une même énergie.