Les débuts

Raoul Dufy est né au Havre en 1877. Comme son ami Othon Friesz, et comme Monet et Boudin avant eux, il a grandi dans cette ville, s’y est formé et y a fait ses premiers pas d’artiste. Issu d’une famille relativement modeste, Dufy entre à 14 ans comme préposé dans la maison d’importation de café Luthy et Hauser. De ses quatre années passées à travailler sur le port, il dira qu’elles ont stimulé son imagination. Parallèlement, il suit les cours du soir de l’école municipale des Beaux-Arts aux côtés d’Othon Friesz et y apprend la rigueur de l’étude dessinée.
 
Ses premières œuvres connues datent des années 1890, comme cette étude d’une tête antique de 1894 conservée au MuMa ou ces aquarelles de 1889 exécutées sur le port dont il voulait – inquiet des travaux de modernisation en cours, comme il le confiait à son ami Friesz – garder le souvenir d’un Havre amené à disparaître.
 
Dufy expose pour la première fois au Havre à la Société des Amis des Arts en 1899. La même année, son talent est encouragé par la municipalité qui lui accorde une bourse pour poursuivre ses études à l’école nationale des Beaux-Arts de Paris.

FOCUS ŒUVRE __
Avec Fin de journée au Havre, il fait ses débuts dans la capitale avec un ambitieux tableau qu’il présente au Salon des Artistes Français de 1901. Élaboré dans un contexte local socialement agité, ce tableau réaliste dépeint l’ambiance crépusculaire d’une fin de journée de travail sur le quai Vauban traditionnellement affecté au déchargement du charbon. À la noirceur de ce site répond la fatigue de la foule des charbonniers – ces dockers qui portaient le charbon à dos d’homme – quittant leur labeur. Choisissant, pour une première apparition sur la scène artistique parisienne, un sujet relativement clivant dans la ville où il peint, Dufy fait montre d’une détermination étonnante.

Authentifiée récemment, suite à son acquisition par le MuMa en 2012, comme étant bien l’œuvre présentée au salon parisien, Fin de journée au Havre est accompagnée de deux études préparatoires, l’une dessinée et l’autre à l’huile, permettant d’appréhender la genèse de sa composition.
__
 
En 1902, Dufy entreprend une grande scène d’intérieur, L’Orchestre du Grand Théâtre du Havre, qui n’est pas sans rappeler le monde de l’opéra de Degas, qu’il présente à l’exposition des Beaux-Arts du Havre, ainsi que Le Quai Videcoq, effet de soir. De ce dernier, un critique havrais de l’époque écrira qu’il trouvait le tableau « intéressant avec ses violences voulues », doutant cependant que « cette débauche de bleu » parvienne à donner une « impression vraie ».
 
Dès le début de sa carrière, Dufy exécute quelques autoportraits – dont Autoportrait au chapeau mou (1898), légué à l’État par Madame Raoul Dufy en 1963 et dépôt du Centre Pompidou au MuMa – et peint le portrait de ses proches. Expressionniste avant l’heure, le puissant et magnétique Fillette assise (1898-1900) – probablement sa sœur Germaine – témoigne déjà d’une grande maîtrise de moyens et d’un sens aigu de la psychologie du modèle.
 
L’évocation du milieu familial se poursuit avec un portrait de sa sœur Jeanne dans les fleurs (1907) et Le Jardin d’hiver (1906) de la maison de ses parents qu’il venait régulièrement revoir au Havre.
Texte d’Olivier Gaulon, d’après les textes d’Annette Haudiquet, de Sophie Krebs, de Nadia Chalbi, ainsi que d’extraits de presse de l’époque.
 
 
Découvrir la suite
↪  « RÉALISME IMPRESSIONNISTE »