Bleu, « lumière-couleur »

C’est à l’entre-deux-guerres que la peinture de Dufy se pare de toutes les nuances du bleu, du bleu céruléen au bleu cobalt. S’il use déjà de cette couleur dans ses premiers tableaux impressionnistes, puis fauves, c’est à partir du milieu des années 1920 que l’on peut situer sa période monochromatique.
 
Le bleu est intimement lié aux paysages maritimes qu’ils soient normands ou méditerranéens. Tout commence par la fenêtre de l’atelier. À l’instar de Matisse, il considère que l’atmosphère du dehors et du dedans ne font qu’une seule et même sensation. La fameuse « lumière-couleur » du ciel et de la mer, chère à Dufy, envahit l’intérieur de sorte qu’il n’y a plus de frontière chromatique. Ces premières fenêtres voient le jour à Marseille devant le port mais c’est bien au Havre que le peintre mouille sa peinture de bleu, mettant au point ce va-et-vient entre intérieur et extérieur. Il joue sur les effets de miroir des vitres de la fenêtre et sur les éléments décoratifs comme le balcon en fer forgé et y déploie son bleu à la fois ciel et mer qui envahit la pièce de l’appartement.
 
Pour Dufy, le bleu est une couleur qui ne varie pas. Il confie en 1951 au critique d’art Pierre Courthion : « Le bleu est la seule couleur qui, à tous ses degrés, conserve sa propre individualité. Prenez le bleu avec ses diverses nuances, de la plus foncée à la plus claire ; ce sera toujours du bleu, alors que le jaune noircit dans les ombres et s’éteint dans les clairs, que le rouge foncé devient brun et que dilué dans le blanc, ce n’est plus du rouge, mais une autre couleur, le rose. »
 
Dans les années 1920-1930, il reprend les motifs explorés précédemment : la fenêtre, l’estacade, la promenade le long de la plage du Havre qui s’étire jusqu’à Sainte-Adresse, les fêtes nautiques et les régates, sans oublier la baigneuse. Il passe notamment tout l’été 1922 à Sainte-Adresse dans un atelier donnant sur la mer, non pas sur le port mais sur l’infini marin.

FOCUS ŒUVRE __ 
Avec Promenade au bord de la mer (vers 1925), on distingue à peine la ligne d’horizon entre l’air et l’eau alors que l’azur et les flots bleus occupent la majeure partie de l’espace. Avec Les Régates au Havre (1925), comme pour ses vues du port du Havre et de Sainte-Adresse, des signes – des petits V pour la mer, des boucles pour signifier les nuages ou les fumées, des triangles pour les voiles des navires, des petits cubes pour les maisons – indiquent à quoi renvoient les couleurs. Le dessin s’autonomise sur l’étendue monochrome et se fait plus alerte.
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Un nouveau motif fait aussi son apparition : la vue de haut de Sainte-Adresse qui montre la mer et la petite station balnéaire où toits pointus et frondaison se mélangent, entourés par la mer d’un bleu outremer. Comme vue d’avion, la scène met ainsi en lumière la profondeur des flots qui se trouve magnifiée par un bleu puissant.
 
Enfin, Dufy s’autorise l’autocitation avec Sainte-Adresse (vers 1930) que l’on reconnaît, accrochée au mur, dans une autre œuvre, Nu dans l’atelier de l’impasse de Guelma (1933), réalisée quelques années plus tard dans son atelier parisien de Montmartre, preuve s’il en était besoin de son attachement au Havre.
Texte d’Olivier Gaulon, d’après les textes d’Annette Haudiquet, de Sophie Krebs, de Nadia Chalbi, ainsi que d’extraits de presse de l’époque.
 
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Baigneuses  ↩
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