Rêves d’Amérique

Le premier voyage

Reynold ARNOULD (1919-1980), Portrait en pied d‘un GI sur le Warren P. Marks, février 1946, crayon sur papier, 27 x 21 cm. Collection Rot-Vatin. © cliché S. Nagy
Reynold ARNOULD (1919-1980), Portrait en pied d‘un GI sur le Warren P. Marks, février 1946, crayon sur papier, 27 x 21 cm. Collection Rot-Vatin. © cliché S. Nagy
Le 31 janvier 1946 Marthe et Reynold Arnould s’embarquent au Havre sur le Liberty-ship Warren P. Marks pour New York. Ce départ sur un bateau militaire américain a vraisemblablement été facilité par Paul Baker, rencontré par Marthe Arnould à Paris en 1944 alors qu’elle s’occupait de l’accueil culturel des troupes alliées en France. Ce professeur d’art dramatique à l’université de Waco au Texas, engagé volontaire, avait été chargé de l’organisation des divertissements pour les troupes américaines sur le front européen. Reynold et Marthe Arnould effectuent ce premier séjour aux Etats-Unis à un moment clé des relations culturelles franco-américaines. Alors qu’une petite communauté intellectuelle francophone s’était constituée à New York à la faveur de la guerre, les nouvelles autorités françaises essayent de restaurer l’image de la France aux Etats-Unis. De nombreuses tournées conférences sont organisées dans les états du sud pour renforcer l’enseignement du français, concurrencé par l’espagnol dans les colleges. Marthe Arnould participe à ce programme. Sa mission, probablement obtenue à New York, des services de l’attaché culturel Claude Lévi-Strauss, n’a pas été commanditée par le ministère français de l’information.
 
Reynold ARNOULD (1919-1980), New York, 1946, huile sur toile, 87 x 36 cm. Londres, courtesy Hanina Fine Arts Gallery. © Droits réservés
Reynold ARNOULD (1919-1980), New York, 1946, huile sur toile, 87 x 36 cm. Londres, courtesy Hanina Fine Arts Gallery. © Droits réservés
Reynold ne chôme pas pendant ce séjour de quelques mois.  Arrivé le 17 février à New York, il y présente, du 22 avril au 4 mai une exposition à la galerie de Georgette Passedoit, où il succède à Amédée Ozenfant, peintre installé aux Etats-Unis depuis 1939. Il s’agit probablement de la première exposition aux Etats-Unis d’un artiste français resté en France sous l’Occupation. L’accrochage se compose de quinze toiles, dont deux paysages de New-York, qui ont donc été peints dans le courant du mois de mars : « J’étais encore influencé par le cubisme et j’ai tenté d’utiliser au tire-ligne les verticales grandioses de cette ville-cathédrale » commenta-t-il trois ans plus tard[1].
 
Reynold ARNOULD (1919-1980), Rue Ferry qui va du centre-ville aux collines résidentielles (Troy, État de New York), 1946, aquarelle sur papier, 24,5 x 37 cm. Collection Rot-Vatin. © cliché S. Nagy
Reynold ARNOULD (1919-1980), Rue Ferry qui va du centre-ville aux collines résidentielles (Troy, État de New York), 1946, aquarelle sur papier, 24,5 x 37 cm. Collection Rot-Vatin. © cliché S. Nagy
Par ailleurs, une banque de la ville de Troy, dans l’Etat de New-York, lui commande sept aquarelles représentant des paysages de cette cité pour une brochure visant à promouvoir « les opportunités industrielles de la région de Troy ». Après Lavelanet, c’est sa seconde expérience de mécénat industriel. Les Arnould rentrent en France probablement à la fin du mois de mai 1946. Trois ans plus tard, ils sont de retour sur le sol américain.

Professeur à Waco

Reynold ARNOULD (1919-1980), Big boy (Camille Renault), étude n° 1, 25 septembre 1948, huile sur toile, 188 x 128 cm. Puteaux, collection Maison de Camille. © cliché S. Nagy
Reynold ARNOULD (1919-1980), Big boy (Camille Renault), étude n° 1, 25 septembre 1948, huile sur toile, 188 x 128 cm. Puteaux, collection Maison de Camille. © cliché S. Nagy
Le second séjour aux Etats-Unis fait suite à la première grande exposition parisienne de Reynold Arnould à la galerie Billiet-Caputo, future Galerie de France. Du 5 au 28 février 1949, Arnould y expose un ensemble de variations sur le portrait de Camille Renault, personnage obèse, célèbre restaurateur, mécène des peintres, installé à Puteaux. C’est dans ce restaurant qu’emmené par le critique Frank Elgar, il a rencontré Jacques Villon en 1947. Peu après, le jeune peintre installe son atelier chez le restaurateur.
Life, 7 novembre 1949
Life, 7 novembre 1949
L’exposition intitulée Histoire d’un portrait a du succès, moins probablement pour la peinture d’Arnould que pour l’exercice et le modèle. Soutenu par les services culturels français à l’étranger, la série est ensuite exposée à la maison française d’Oxford en mai 1949, puis à la galerie Gimpel de Londres du 5 au 31 juillet, avant de partir pour New York où la galerie Durand-Ruel l’accueille du 15 au 31 octobre. Le 7 novembre, le magazine Life publie une double page sur l’exposition intitulée Patient Patron. Massive french art lover sit for 145 portraits by one artist.
 
Reynold Arnould avec ses étudiants à l’université Baylor de Waco, 1951. Photographie extraite de Round Up, annuaire de l’université Baylor de Waco, 1951
Reynold Arnould avec ses étudiants à l’université Baylor de Waco, 1951. Photographie extraite de Round Up, annuaire de l’université Baylor de Waco, 1951
La carrière de peintre de Reynold Arnould semble alors bien partie. Mais le succès de presse ne fait pas « bouillir la marmite » du jeune artiste sans fortune personnelle. Il saisit donc l’opportunité que lui offre son ami Paul Baker : remplacer le peintre Edmund Kinziger comme professeur de beaux-arts à l’université de Waco. Arnould accepte d’y enseigner un semestre ; il resta finalement trois ans dans cette université du Texas.
 
Reynold ARNOULD (1919-1980), Joueurs de football (américain) sur le banc, vers 1951, fresque sur matériau composite, 53,5 x 74 cm. Caen, musée des Beaux-Arts. Don de Marthe Bourhis-Arnould 1981. Inv 81.3.1. © Caen, musée des Beaux-Arts /cliché P. Touzard
Reynold ARNOULD (1919-1980), Joueurs de football (américain) sur le banc, vers 1951, fresque sur matériau composite, 53,5 x 74 cm. Caen, musée des Beaux-Arts. Don de Marthe Bourhis-Arnould 1981. Inv 81.3.1. © Caen, musée des Beaux-Arts /cliché P. Touzard
En janvier 1950, il fait un séjour au Mexique, où il découvre l’art précolombien. Soutenu par Baker, qui a créé un théâtre expérimental dans cet environnement rigoriste et traditionnaliste du sud-américain, il diffuse l’esprit de l’art contemporain par son enseignement et ses expositions. Il met au point une technique de fresques portatives en peignant sur du plâtre coulé dans un moule de bois. Il expose au cours du printemps 1951 ses œuvres à Waco, mais aussi à Dallas, Houston et Austin. Il collabore aussi avec Baker, fournissant notamment les décors et costumes pour la mise en scène de Mesure pour Mesure de Shakespeare donnée en avril-mai 1951 dans le théâtre de l’université. Reynold Arnould, qui s’inquiète pour son avenir, ne se coupe toutefois pas de ses réseaux français. Il retourne en France au cours de l’été 1950, puis de mai à novembre 1951, ce qui lui permet de présenter du 9 au 31 octobre de cette année ses fresques américaines à la Galerie de France. En mars 1952, il repart pour Paris dans le cadre d’un projet monté avec Marthe et Paul Baker : organiser, tous les ans une université d’été en France pour les étudiants texans en beaux-arts et art dramatique. Ce projet, dont il est responsable, devait lui permettre de passer une moitié de l’année à Paris et l’autre à Waco. Le projet rencontre un indéniable succès et la première promotion d’étudiants se rend en France de juin à août 1952. Mais Reynold Arnould, qui se voit alors proposée la direction des musées du Havre abandonne son poste à Waco et l’opération Baylor in Paris fait long feu.
Biographie établie par François Vatin d'après Gwenaële Rot et François Vatin, Reynold Arnould. Une poétique de l'industrie, Paris, Presses universitaires de Nanterre, 2019
 
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Notes

[1] Gwenaële Rot et François Vatin, Reynold Arnould, La poétique de l’industrie, Paris, Presses universitaires de Nanterre, 2019, p. 304

Illustrations