Directeur des musées et de la Maison de la culture du Havre

Reynold ARNOULD (1919-1980), Sans titre (Le port du Havre depuis la côte), vers 1953, aquarelle, 20 x 61 cm. Collection Rot-Vatin. © cliché S. Nagy
Reynold ARNOULD (1919-1980), Sans titre (Le port du Havre depuis la côte), vers 1953, aquarelle, 20 x 61 cm. Collection Rot-Vatin. © cliché S. Nagy

Nomination au Havre

Reynold Arnould est né au Havre et y a passé ses six premières années. Il y avait de la famille. Pourtant, c’est en étranger qu’il revient en 1952 dans cette ville en reconstruction. Dans la correspondance conservée avec son ami Pierre Gresland, très dense sur la période 1938-1944, il n’est fait mention du Havre qu’à une occasion : le 4 septembre 1941, Reynold raconte à son ami que ses parents, qui se rendent au Havre, vont y porter ses toiles ; le 16 septembre, il précise qu’il en a vendu deux nouvelles. Un galeriste havrais devait donc présenter les œuvres du jeune Prix de Rome pendant la guerre.
 
Le musée des Beaux-Arts du Havre après les bombardements de septembre1944., carte postale Edition Lugen - (Le Havre), 10 x 15 cm. Le Havre, Archives municipales. Collection Pierre Chassin.. © Archives municipales Le Havre
Le musée des Beaux-Arts du Havre après les bombardements de septembre1944., carte postale Edition Lugen - (Le Havre), 10 x 15 cm. Le Havre, Archives municipales. Collection Pierre Chassin.. © Archives municipales Le Havre
Les origines havraises d’Arnould ont joué dans sa nomination comme directeur. Il connaissait le maire Pierre Courant, dont il fait le portrait en 1946[1]. Mais ses réseaux sont alors principalement parisiens. Il est bien connu de Bernard Dorival, qui dirige avec Jean Cassou le musée national d’art moderne, ainsi que de Raymond Cogniat, qui est Inspecteur général des beaux-arts. Ceux-ci sont proches de Georges Salles, le directeur des Musées de France, qui s’inquiète pour le musée du Havre et ses collections d’art moderne. Le Havre est à l’époque un des rares musées français à posséder une collection impressionniste et post-impressionniste, art jusque-là négligé par les conservateurs, que la nouvelle direction des musées de France entend promouvoir. Le bâtiment du musée a été détruit par les bombardements, mais les collections ont été mises à l’abri au château de Bonnétable dans la Sarthe. La municipalité est pressée de les voir revenir, mais la direction des musées de France craint que la ville ne soit pas en état matériel de les recevoir. Le Havre est par ailleurs une ville-symbole, en raison de l’importance des destructions, du programme architecturalement ambitieux de reconstruction mené sous la direction d’Auguste Perret, mais aussi de son statut de principal port français des voyages transatlantiques. Pour toutes ces raisons, Reynold Arnould apparaît comme l’homme de la situation. Il est un membre prometteur de la jeune génération de peintres d’après-guerre et il a une expérience américaine. C’est à lui qu’on pense pour créer et diriger un nouveau musée de conception moderne, le premier construit en France après-guerre. 
 
Vue intérieure du nouveau musée-maison de la Culture du Havre. Archives, MuMa musée d'art moderne André Malraux, Le Havre
Vue intérieure du nouveau musée-maison de la Culture du Havre. Archives, MuMa musée d'art moderne André Malraux, Le Havre
Reynold Arnould est nommé en juin 1952 directeur « des » musées du Havre. La tâche est immense : il faut inventorier les collections, concevoir le nouveau musée des Beaux-Arts, mais aussi réaménager les bâtiments muséaux de la ville restés sur pied pour les réouvrir au public : le musée de l’abbaye de Graville, consacré notamment à la statuaire médiévale, est ouvert en mars 1953, le musée de l’ancien Havre, installé dans le logis de Michel-Joseph Dubocage, un des rares bâtiments anciens de la ville basse rescapés des bombardements, en avril 1955. Quant aux collections de peintures modernes, elles sont d’abord présentées au musée d’art moderne à Paris en décembre-janvier 1954 sous le titre De Corot à nos jours au musée du Havre. A cette occasion fut également présentée la maquette du futur musée des Beaux-Arts. La construction de cet édifice, suivie de près par Reynold Arnould, est commencée en novembre 1958. Il est inauguré le 24 juin 1961 par André Malraux, devenu ministre de la Culture. D’emblée, Arnould avait souhaité doter le musée d’instruments de médiation culturelle (bibliothèque, dispositifs de projection, etc.). On va plus loin en faisant de ce musée la première des nouvelles « maisons de la Culture » ouvertes en France, ce qui a permis de doter le projet de dotations complémentaires issus de ce nouveau programme, qui vient à peine d’être lancé sous la houlette d’Emile Biasini. Mais il va falloir animer cet équipement…

Une vie intense entre Paris et le Havre

Forces et rythmes de l’industrie, 1959. Affiche de l’exposition, 64,5 x 44,5 cm. Collection Rot-Vatin. © cliché S. Nagy
Forces et rythmes de l’industrie, 1959. Affiche de l’exposition, 64,5 x 44,5 cm. Collection Rot-Vatin. © cliché S. Nagy
On mesure l’ampleur du travail accompli par Reynold Arnould au cours des douze années qu’il passa au Havre. Mais l’inventaire de ses tâches de directeur des musées et de la maison de la Culture rend mal compte de sa vie au cours de ces années. C’est en effet, aussi, la période la plus prolixe de sa carrière de peintre avec trois importantes expositions parisiennes : en 1954 à la Galerie de France et en 1955 et 1959 au musée des arts décoratifs. Celle de 1959, Forces et rythmes de l’industrie, le mobilisa considérablement. Elle fut précédée au cours de l’année 1957 d’une enquête picturale dans la France industrielle en croissance. Au cours des années 1958-1959, alors qu’il réalise avec frénésie les quelques centaines d’huiles sur toile, de gouaches et de grands fusains présentés au musée des arts décoratifs, il suit techniquement et bureaucratiquement la construction du nouveau musée du Havre. Parallèlement, il réalise un projet ambitieux de décoration murale pour un collège situé dans la ville basse du Havre. En 1961, quand il entame son travail d’animateur du musée-maison de la culture, il se lance dans un projet décoratif encore plus ambitieux : celui de la cité scolaire de Caucriauville, construite par son ami l’architecte Bernard Zehrfuss dans le nouveau quartier situé sur les hauteurs de la ville. [voir Œuvres monumentales > Le 1 % culturel]
 
Paul ALMASY (1906-2003), Reynold Arnould dans son atelier, 1959, photographie en noir et blanc. © Paul Almasy / Akg-Images
Paul ALMASY (1906-2003), Reynold Arnould dans son atelier, 1959, photographie en noir et blanc. © Paul Almasy / Akg-Images
Reynold Arnould s’est probablement épuisé dans cette vie intense entre Paris et Le Havre. Il conserve sa résidence privée et son atelier à Paris. Au Havre, il se fait héberger par des amis. Après 1961, il dispose d’un petit appartement et d’un atelier dans le musée. Malheureusement, ses relations avec les membres du conseil d’administration de la maison de la Culture, qui jugent son orientation « élitiste » se détériorent. Il démissionne le 28 octobre 1963 de son poste de directeur de la maison de la culture, conservant celui de directeur des musées. Marc Netter est nommé pour le remplacer à la direction de la Maison de la Culture. Mais la cohabitation des deux équipements et des deux hommes dans le même édifice se révèle impossible. Reynold Arnould choisit de partir. Dès l’automne 1964, il est sollicité par André Malraux pour concevoir le réaménagement muséal du Grand-Palais. Le 1er juillet 1965, il est nommé conservateur des Musées nationaux, directeur des Galeries nationales du Grand-Palais.
Biographie établie par François Vatin d'après Gwenaële Rot et François Vatin, Reynold Arnould. Une poétique de l'industrie, Paris, Presses universitaires de Nanterre, 2019
 
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Notes

[1] Ce portrait est reproduit in Serge Reneau, Reynold Arnould. Un artiste conservateur dans le siècle, Presses universitaires de Rouen et du Havre, Rouen, 2021.

Illustrations