Puteaux et l’Amérique

Groupe de Puteaux

A la fin de la guerre, Reynold Arnould se cherche une voie dans le monde de la peinture française en renouveau. Ses mentors sont Bernard Dorival, l’adjoint de Jean Cassou à la direction du musée national d’art moderne, et le critique Frank Elgar (alias de Roger Lesbats), qu’il a rencontré à l’hebdomadaire Carrefour auquel il fournit alors des illustrations pour les pages littéraires. Il puise son inspiration dans le cubisme de Fernand Léger, l’orphisme de Robert Delaunay et, surtout, dans la peinture de Jacques Villon. Les paysages de Pont-Aven qu’il présente au 37ème Salon d’automne en 1945 à Paris portent la marque de cette inspiration. Frank Elgar lui fait rencontrer Jacques Villon au restaurant de Camille Renault à Puteaux. Dans un courrier du 9 mai 1947 à Bernard Dorival, Reynold Arnould oppose à l’art de Picasso, qu’il juge trop classique, celui de Villon, « qui a peiné sur une analyse de l’espace, de la valeur de la couleur, échappant avec ‘brio’ à la couleur plate ou au faux-semblant d’une peinture conformiste, enchâssé dans un dessin original »[1].
 
Reynold ARNOULD (1919-1980), Paysage de Dordogne (Lascour à Carsac-Aillac), vers 1950, huile sur toile, 65 x 81 cm. Collection Rot-Vatin. © cliché S. Nagy
Reynold ARNOULD (1919-1980), Paysage de Dordogne (Lascour à Carsac-Aillac), vers 1950, huile sur toile, 65 x 81 cm. Collection Rot-Vatin. © cliché S. Nagy
Dans le sillage de Villon, Arnould s’attache à cette époque au paysage, avec un motif récurrent : le village de Lascour en Dordogne où il séjourne au cours des étés 1947 et 1948. Il présente ce travail à l’exposition de paysages organisée par la Galerie de France au musée de Dublin en 1949 et à la première biennale de Sao Paolo en 1951.
 
Reynold ARNOULD (1919-1980), Big Boy (Camille Renault), étude n° 16, 1949, encre de Chine sur papier, 18,1 x 16,4 cm. Collection Rot-Vatin. © cliché S. Nagy
Reynold ARNOULD (1919-1980), Big Boy (Camille Renault), étude n° 16, 1949, encre de Chine sur papier, 18,1 x 16,4 cm. Collection Rot-Vatin. © cliché S. Nagy
Mais Arnould revient aussi au portrait. Depuis que Jacques Villon avait fait son portrait, Camille Renault avait pris l’habitude de tester les peintres qu’on lui présentait en s’offrant à eux comme modèle. Reynold Arnould prit, plus qu’aucun autre, ce motif au sérieux : « J’ai commencé par faire mes premiers dessins d’approche et, très vite, j’ai réalisé que cela m’entraînait dans une aventure plus considérable qu’un simple portrait, parce que, presque immédiatement, une espèce d’amplitude non-seulement physique, mais interne, morale du personnage Camille Renault m’est apparue, très exceptionnelle »[2].
Reynold ARNOULD (1919-1980), Big Boy (Camille Renault), étude n° 18, 1949, aquarelle et gouache sur papier, 18,5 x 16 cm. Collection Rot-Vatin. © cliché S. Nagy
Reynold ARNOULD (1919-1980), Big Boy (Camille Renault), étude n° 18, 1949, aquarelle et gouache sur papier, 18,5 x 16 cm. Collection Rot-Vatin. © cliché S. Nagy
Il consacra à Camille Renault la totalité d’une exposition à la galerie Billiet-Caputo (future Galerie de France) en 1949. Partant d’une représentation réaliste, il décompose le personnage jusqu’à l’abstraction en 145 études, faisant de l’exercice une leçon d’art contemporain : « Trois étapes sont ainsi jalonnées par des dessins, des gouaches, des peintures. On y retrouve des stades auxquels se sont arrêtés d’autres peintres, le stade Lhote, le stade Gromaire, le stade Singier, Manessier »[3].

Les États-Unis

Cette exposition lui donne l’occasion de retourner à New-York où elle est accrochée à la galerie Durand-Ruel. Appelé par son ami Paul Baker à reprendre l’enseignement des beaux-arts à l’université Baylor de Waco, il reste trois ans aux Etats-Unis. C’est l’occasion de nouvelles inspirations. Il découvre l’art précolombien au Mexique voisin ; il est fasciné par le spectacle du football américain, la dynamique des joueurs, l’allure chevaleresque de leurs têtes casquées.
 
Reynold ARNOULD (1919-1980), Sans titre (Texane chaton), 1949, lavis sur papier de riz, 41,5 x 68 cm. Collection Rot-Vatin. © cliché S. Nagy
Reynold ARNOULD (1919-1980), Sans titre (Texane chaton), 1949, lavis sur papier de riz, 41,5 x 68 cm. Collection Rot-Vatin. © cliché S. Nagy
Il travaille son trait au pinceau à la manière japonaise et dessine avec cette technique de nombreux animaux stylisés. Il compose aussi des scènes de tauromachie. Mais surtout, il se remet à la fresque, abandonnée en 1941.
 
Reynold ARNOULD (1919-1980), Sans titre, nature morte, vers 1951, fresque portative, 56 x 85 cm. Puteaux, collection Maison de Camille. © Droits réservés
Reynold ARNOULD (1919-1980), Sans titre, nature morte, vers 1951, fresque portative, 56 x 85 cm. Puteaux, collection Maison de Camille. © Droits réservés
Il conçoit pour cela une technique originale consistant à couler du plâtre dans un cadre en bois pour disposer de fresques portatives. Ces œuvres sont exposées en 1951 au Texas (Waco, Dallas, Houston, Austin), puis à la Galerie de France à Paris. Reynold Arnould a toujours eu envie de peindre les murs. L’enjeu est le format, mais aussi la matière. Quand il renonce aux fresques de chevalet, fragiles et à la réalisation contraignante, il ajoute du sable dans sa peinture pour lui donner une texture murale. Il expose ses peintures au sable dans une nouvelle importante exposition à la Galerie de France en 1954. Certaines toiles de son exposition Automobile au musée des arts décoratifs en 1955 sont encore faites d’une peinture sableuse.

Notes

[1] Gwenaële Rot et François Vatin, Reynold Arnould, La poétique de l’industrie, Paris, Presses universitaires de Nanterre, 2019, p.308
[2]  Entretien avec Pierre Cabanne, in Connaissances des arts, avril 1965.
[3]  Jean Bouret dans Arts, 4 février 1949
Biographie établie par François Vatin d'après Gwenaële Rot et François Vatin, Reynold Arnould. Une poétique de l'industrie, Paris, Presses universitaires de Nanterre, 2019
 
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Illustrations