Œuvres de jeunesse

Apprentissage académique

Reynold ARNOULD (1919-1980), Portrait de la mère de l'artiste, 1927-1928, huile sur toile, 59 x 49 cm. Paris, Centre Pompidou - Musée national d'art moderne - Centre de création industrielle, don de Succession Marthe Bourhis-Arnould en 1999. © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Bertrand Prévost
Reynold ARNOULD (1919-1980), Portrait de la mère de l'artiste, 1927-1928, huile sur toile, 59 x 49 cm. Paris, Centre Pompidou - Musée national d'art moderne - Centre de création industrielle, don de Succession Marthe Bourhis-Arnould en 1999. © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Bertrand Prévost
Reynold Arnould a bénéficié d’une double formation : la première est celle officielle des écoles de Beaux-Arts, de Rouen, puis de Paris, la seconde est celle plus personnelle reçue du peintre Jacques-Emile Blanche. Il fréquente l’école des Beaux-Arts de Rouen de 1931 à 1937, puis celle de Paris jusqu’à l’obtention du Prix de Rome en 1939.
 
Robert Antoine PINCHON (1886-1943), Rouen, La Seine, vue depuis les hauteurs de Caudebec, huile sur toile, 73,7 x 92,4 cm. © Droits réservés
Robert Antoine PINCHON (1886-1943), Rouen, La Seine, vue depuis les hauteurs de Caudebec, huile sur toile, 73,7 x 92,4 cm. © Droits réservés
Quand Arnould y est élève, l’école des Beaux-Arts de Rouen est sous l’influence des peintres de tradition impressionniste locaux, Robert-Antoine Pinchon et Marcel Couchaux. Dès sa première exposition à la vitrine d’un marchand d’ameublement en 1930, le jeune peintre est remarqué par Pol d’Harcourt, le chroniqueur des expositions rouennaises : « Le jeune Reynold a un réel talent de coloriste. Tout est couleur pour lui : il sait apprécier les valeurs, il sait les traduire en un mot, il sait voir et réaliser »[1]. Ses thèmes sont alors des natures mortes et des paysages urbains rouennais. [Voir Enfance au Havre et à Rouen > Le « petit Mozart »]
 
Jacques-Émile BLANCHE (1861-1942), Portrait de Reynold Arnould, 8 août 1933, huile sur toile, 45,5 x 38,5 cm. Rouen, musée des Beaux-Arts. Inv. 1980.16.1. © Réunion des musées métropolitains, Rouen Normandie, cliché Y. Deslandes
Jacques-Émile BLANCHE (1861-1942), Portrait de Reynold Arnould, 8 août 1933, huile sur toile, 45,5 x 38,5 cm. Rouen, musée des Beaux-Arts. Inv. 1980.16.1. © Réunion des musées métropolitains, Rouen Normandie, cliché Y. Deslandes
C’est au cours de l’été 1933 qu’Arnould est pris en main par Blanche, le maître du portrait de sa génération. Au portrait que le maître fait de lui en août, le jeune Reynold réplique en novembre : « Reynold était si déçu de n’avoir pas peint une tête de moi ‘comme souvenir, Monsieur’, que j’ai posé matin et après-midi. Ressemblance étonnante » (12 novembre 1933).
 
Reynold ARNOULD (1919-1980), La Maison de J.-É. Blanche à Offranville, renommé Maison de jardin, 1935, huile sur toile, 54,8 x 45,8 cm. Rouen, musée des Beaux-Arts. Inv. 1980.16.17. © Réunion des musées métropolitains Rouen Normandie, cliché Y. Deslandes
Reynold ARNOULD (1919-1980), La Maison de J.-É. Blanche à Offranville, renommé Maison de jardin, 1935, huile sur toile, 54,8 x 45,8 cm. Rouen, musée des Beaux-Arts. Inv. 1980.16.17. © Réunion des musées métropolitains Rouen Normandie, cliché Y. Deslandes
Au cours des années 1933-1935, Arnould peint auprès de Blanche le jardin et les intérieurs d’Offranville, œuvres qu’il présente aux salons des artistes rouennais. Son impressionnisme de bon aloi séduit, par opposition aux orientations cubistes de son futur maître, Jacques Villon : « Jacques Villon est inharmonique, sa peinture manque de lisibilité ; Reynold Arnould continue à progresser, il a un réel talent »[2]. L’influence de Blanche sur Arnould ne relève toutefois pas uniquement de la technique picturale. Si la facture personnelle de Blanche reste assez classique, il n’est pas ignorant de la modernité artistique. A Paris, il emmène le jeune Reynold voir de la peinture moderne ; pourtant, il ne veut pas le pousser dans cette voie, pensant que son protégé n’en a pas les moyens culturels. Ainsi, pour Blanche, le seul destin possible pour Reynold serait la voie académique, celle des Prix de Rome, que pourtant il méprise. Reynold Arnould a sûrement souffert de ce double discours de son maître.
 
Solidement formé aux Beaux-Arts de Rouen et par Blanche, Reynold Arnould a-t-il appris quelque chose auprès de Fernand Sabatté, ancien élève de Gustave Moreau, dans la classe duquel il entre à l’école des Beaux-Arts de Paris en septembre 1937 ? Nous disposons de peu de témoignages à ce sujet. Nous savons seulement qu’il s’ennuyait aux Beaux-Arts de Paris et que l’enseignement du lycée lui manquait. Il a sûrement appris pourtant auprès de Sabatté l’art de la grande composition, nécessaire à l’obtention du Prix de Rome. Il ne renia jamais d’ailleurs cette formation académique et conserva le goût du grand format, celui de l’architecture des compositions, très sensible dans sa série de Forces et rythmes de l’industrie. Il fait aussi à cette époque la rencontre de Maurice Denis, ami de Jacques-Emile Blanche, qui le reçoit et lui prodigue des conseils. La commande en 1940 d’une décoration monumentale pour l’église de Lavelanet l’oriente dans ce sens. Il étudie à cette fin la technique de la fresque, qu’il n’utilisa finalement pas, et demande des conseils techniques à Maurice Denis[3].
 
Reynold ARNOULD (1919-1980), Sans titre, 1942, huile sur contreplaqué, 52,5 x 133 cm. Aix-en-Provence, courtesy Galerie des trois ormeaux
Reynold ARNOULD (1919-1980), Sans titre, 1942, huile sur contreplaqué, 52,5 x 133 cm. Aix-en-Provence, courtesy Galerie des trois ormeaux
Il se passionne un temps pour le nombre d’or et lit en 1941 le livre de Matila Ghyka dont il tente de tirer parti dans ses compositions[4]. En 1942, la rencontre à Nice avec Leonor Fini lui fait découvrir le surréalisme dont on peut saisir l’influence dans certaines des œuvres qu’il présente lors de sa première exposition personnelle à Monte-Carlo en 1943.

Portrait mondain

Reynold ARNOULD (1919-1980), Portrait de Cécile Mouton-Brady, décembre 1975, feutres de couleur sur papier, 21 x 29,7 cm. Collection Rot-Vatin. © Droits réservés
Reynold ARNOULD (1919-1980), Portrait de Cécile Mouton-Brady, décembre 1975, feutres de couleur sur papier, 21 x 29,7 cm. Collection Rot-Vatin. © Droits réservés
Parallèlement, pendant la guerre, Reynold Arnould se lance sur le marché du portrait mondain, dans le sillage de Blanche. Le jeune Prix de Rome obtient de nombreux marchés qui l’aident à vivre. Il va peindre à Pau la veuve de Pierre Michelin et sa petite fille, à Louviers, les familles des industriels Charles Miquel et Paul Le Pelletier, à Lavelanet en Ariège, celle du filateur Constant Fonquernie, à Nice, la princesse Troubetzkoï ainsi que la comtesse et le comte Robert-Jean de Vogüe, le directeur du champagne Moët-et-Chandon, etc. Selon un procédé systématique emprunté à l’art de la Renaissance italienne, il installe en arrière-plan de ces portraits un paysage, réel ou imaginaire, à valeur symbolique. Dans l’âge de la maturité, il conserva à l’occasion cette activité de portraitiste mondain. Il peint ses mécènes comme Alix de Rothschild ou Henri et Isabelle Goüin, les propriétaires de l’abbaye de Royaumont. En 1976, il fait un portrait de Cécile Mouton-Brady, le jour de son mariage avec le comte Alain Pozzo di Borgo, petit-fils par sa mère de Robert-Jean de Vogüe, dont il avait fait le portrait en 1943.
 
Avant de quitter la villa « Il Paradiso » de Nice et les contraintes de l’art académique liées à son statut de pensionnaire de l’Académie, Reynold Arnould écrit au printemps 1943 un texte de bilan et d’espérance, où il explique son désir d’acquérir une liberté artistique sans rompre avec son apprentissage : « La difficulté est de trouver la technique, la discipline, la liberté aussi dans la peinture. Car j’ai conscience de lois comme sont celles de la métrique. Il faut connaitre ces ‘Défenses’ pour les rompre. Aussi m’y prends-je délicatement dans cette destruction. […] Dans ces chemins, je m’éloigne du Prix de Rome et vais malgré tout dans le solitaire. »[5]

Notes

[1] Gwenaële Rot et François Vatin, Reynold Arnould, La poétique de l’industrie, Paris, Presses universitaires de Nanterre, 2019, p.162
[2] Artistes et écrivains normands, à propos du salon de 1934, cité in Gwenaële Rot et François Vatin, op. cit., p. 163.
[3] Le peintre et théoricien de l’art Maurice Denis (1870-1943) était ami avec Jacques-Emile Blanche, le maître de Reynold Arnould.
[4] Matila Ghyka, Le nombre d’or. Rites et rythmes pythagoriciens dans le développement de la civilisation occidentale, 2 tomes, Paris, Gallimard, 1931, réédition en un volume, 1976. Voir sur cet auteur et plus généralement sur la figure du nombre d’or dans l’art, en particulier en France dans les années 1890-1930, Marguerite Neveu, « Le nombre d’or. Radiographie d’un mythe » in Marguerite Neveu et Herbert E. Huntley, Le nombre d’or, Paris, Seuil, 1995.
[5] Cité in Gwenaële Rot et François Vatin, op. cit., p. 382-383.
Biographie établie par François Vatin d'après Gwenaële Rot et François Vatin, Reynold Arnould. Une poétique de l'industrie, Paris, Presses universitaires de Nanterre, 2019
 
 
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