DEGAS, Après le bain, femme s'essuyant

Edgar DEGAS (1834-1917), Après le bain, femme s'essuyant, ca. 1884-1886 / 1890 / 1900, pastel sur papier vélin, 40,5 x 32 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Edgar DEGAS (1834-1917)
Après le bain, femme s'essuyant
ca. 1884-1886 / 1890 / 1900
pastel sur papier vélin
40,5 x 32 cm
© MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Image haute définition
C'est en 1908, lors d'une vente aux enchères à Paris, que le collectionneur havrais Olivier Senn achète son premier pastel d'Edgar Degas (1834-1917), une femme à sa toilette. À cette époque, les œuvres de cet artiste qui se tient à l'écart du monde sont déjà rares sur le marché et se négocient à des prix très élevés. À la mort de Degas, son fonds d'atelier est dispersé en quatre vacations. Véritable événement, ces ventes publiques attirent les plus grands collectionneurs français et étrangers. Olivier Senn, qui ne veut en aucun cas manquer l'occasion, se présente dès le premier jour de la première vente, le 6 mai 1918, où il emporte un ensemble très conséquent de quarante-six dessins. Il se fait représenter lors des ventes suivantes, non sans avoir donné des ordres d'achat très précis. C'est dans ces conditions qu'il obtient ce pastel, l'une des transactions les plus élevées de la seconde vente. Enlevée pour 26 000 francs, cette œuvre est sans doute l'un des chefs-d'œuvre de la collection d'Olivier Senn.

Degas exécute ses premiers pastels de femmes à leur toilette vers 1876-1877. Il en produit encore un grand nombre au cours des années 1880 et en expose sept lors de la huitième et dernière exposition impressionniste en 1886. Cette série, intitulée « Suite de nus de femmes se baignant, se lavant, se séchant, s'essuyant, se peignant ou se faisant peigner », suscite de vives critiques et alimente la polémique sur la misogynie de son auteur.

Saisies dans l'intimité de leur chambre, comme à leur insu, les femmes s'adonnent à leur toilette. L'artiste les représente accroupies dans leur tub (une grande bassine plate), se rinçant, se redressant, s'essuyant assises sur une chaise ou un fauteuil... Les gestes sans maniérisme sont mis en valeur par les vues en surplomb et les cadrages tronqués que le peintre multiplie d'un dessin à l'autre.

Dans notre pastel, la jeune femme de trois quarts dos, au visage penché caché par son bras droit levé, s'essuie la nuque à l'aide d'une serviette. Elle est assise sur une méridienne dont on aperçoit le dossier couvert de tissu mauve et outremer, et devant une baignoire que l'on devine à l'arrière-plan à gauche. Le cadrage assez resserré met en valeur le corps tout en tension de la jeune femme, le bras gauche rejeté vers l'arrière, presque dans l'axe du bras droit tendu en avant.

D'emblée, le dessin intrigue par sa complexité. Deux éléments surtout retiennent l'attention : d'une part la longue pliure du papier en haut à droite, sorte de cicatrice qui partage l'œuvre en deux parties traitées de manière très différente, d'autre part le travail même du pastel, poudreux sur un papier grumeleux d'un côté, lisse et poli à l'extrême de l'autre.

Il semble que Degas ait procédé en deux temps, se concentrant d'abord sur le corps de la femme puis reprenant son dessin pour achever certaines parties dans le haut de la feuille et souligner les contours en les hachurant. La différence de traitement laisse à penser que cette reprise a eu lieu au bout de plusieurs années, et, par comparaison stylistique, sans doute entre 1880 et 1890.

Degas expérimente ici toutes les ressources du pastel : pulvérulent et accrochant imparfaitement le grain épais du papier, posé en couches successives, humidifié jusqu'à l'obtention d'une sorte de pâte homogène travaillée tout en finesse de manière à restituer la plasticité, la rondeur et la douceur de la carnation féminine. C'est sans doute lors de cette étape d'humidification que la pliure s'est produite. Mais Degas n'a pas cherché à la dissimuler ; au contraire, il accepte l'accident pour les possibilités qu'il lui offre et s'en saisit comme source d'innovation.

Complexe dans son exécution, troublant par les questions qu'il soulève sur les étapes de sa création, Après le bain, femme s'essuyant est avant tout une œuvre d'une grande sensualité, où le corps de la femme semble inviter à la caresse.

Œuvres commentées : Impressionnisme (24)

Johan Barthold JONGKIND (1819-1891), Quai à Honfleur, 1866, huile sur toile, 32,5 x 46 cm. © MuMa Le Havre / David Fogel
Armand GUILLAUMIN (1841-1927), Paysage de neige à Crozant, vers 1895, huile sur toile, 60 x 73 cm. © MuMa Le Havre / David Fogel
Claude MONET (1840-1926), Soleil d'hiver, Lavacourt, 1879-1880, huile sur toile, 55 x 81 cm. © MuMa Le Havre / David Fogel
Claude MONET (1840-1926), Les Nymphéas, 1904, huile sur toile, 89 x 92 cm. © MuMa Le Havre / David Fogel
Claude MONET (1840-1926), Le Parlement de Londres, 1903, huile sur toile, 81 x 92 cm. © MuMa Le Havre / David Fogel
Camille PISSARRO (1831-1903), L'Anse des Pilotes, Le Havre, matin, soleil, marée montante, 1903, huile sur toile, 54,5 x 65 cm. © MuMa Le Havre / David Fogel
Pierre-Auguste RENOIR (1841-1919), Portrait de Nini Lopez, 1876, huile sur toile, 54 x 39 cm. © MuMa Le Havre / David Fogel
Alfred SISLEY (1839-1899), Le Loing à Saint-Mammès, 1885, huile sur toile, 55 x 73,2 cm. © MuMa Le Havre / David Fogel
Edgar DEGAS (1834-1917), Après le bain, femme s'essuyant, ca. 1884-1886 / 1890 / 1900, pastel sur papier vélin, 40,5 x 32 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Édouard MANET (1832-1883), Bateaux en mer, soleil couchant, ca. 1868, huile sur toile, 43 x 94 cm. Œuvre récupérée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, déposée en 1961 par l'Etat; en attente de sa restitution à ses légitimes propriétaires. MNR 873.. © MuMa Le Havre / David Fogel
Edgar DEGAS (1834-1917), Les Blanchisseuses, ca. 1870-1872, huile sur toile, 15 x 21 cm. © Ministère de la Culture et de la Communication / Didier Plowy
Pierre-Auguste RENOIR (1841-1919), L'Excursionniste, ca. 1888, huile sur toile, 61,5 x 50 cm. © MuMa Le Havre / David Fogel
Armand GUILLAUMIN (1841-1927), La Seine à Samois, ca. 1898, huile sur toile, 60 x 73 cm. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Camille PISSARRO (1831-1903), Statue d’Henri IV et hôtel de la Monnaie, matin, soleil, 1901, huile sur toile, 46 x 55 cm. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Armand GUILLAUMIN (1841-1927), La Creuse à Crozant, ca. 1893, huile sur toile, 60 x 73,5 cm. © MuMa Le Havre / David Fogel
Jules CHÉRET (1836-1932), Femme en noir au manchon, ca. 1885, huile sur toile, 33 x 25 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Claude MONET (1840-1926), La Seine à Vétheuil, 1878, huile sur toile, 50, 5  x 61,5 cm. © MuMa Le Havre / David Fogel
Camille PISSARRO (1831-1903), Un carrefour à l'Hermitage, Pontoise, 1876, huile sur toile, 38,5 x 46,5 cm. © MuMa Le Havre / David Fogel
Camille PISSARRO (1831-1903), Quai du Pothuis, bords de l’Oise, 1882, huile sur toile, 46,3 x 55,3 cm. © MuMa Le Havre / David Fogel
Camille PISSARRO (1831-1903), Soleil levant à Éragny, 1894, huile sur toile, 38,3 x 46 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Pierre-Auguste RENOIR (1841-1919), Femme vue de dos, ca. 1875-1879, huile sur toile, 27,1 x 22,1 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Pierre-Auguste RENOIR (1841-1919), Baie de Salerne ou Paysage du midi, 1881, huile sur toile, 46 x 55,5 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Pierre-Auguste RENOIR (1841-1919), Pins à Cagnes, ca. 1919, huile sur toile marouflée sur carton bouilli, 31,5 x 38,7 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Johan Barthold JONGKIND (1819-1891), Paris, le pont Marie et le quai des Célestins, 1874, huile sur bois, 23,5 x 32 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn