Les Influences

Au cours des années 1859-1874, Boudin se trouve directement mêlé au mouvement qui prendra le nom d’impressionnisme. Il a de fréquents contacts avec Gustave Courbet (1819-1877), Johann Barthold Jongkind (1819-1891), Édouard Manet (1832-1883), J. McNeil Whistler (1834-1903), Henri Fantin-Latour (1836-1904) et Claude Monet (1840-1926).
Il fait la connaissance de Courbet en 1859. L’influence de ce dernier est surtout morale : « Si je l’en écoutais, je me regarderais certainement comme un des talents de notre époque » [journal, 16 juin, musée du Louvre]. D’un point de vue technique, Boudin se montre réservé : « Nous avons vu Courbet à l’œuvre […] cela me paraît bien grossier, bien peu cherché dans le détail » [17 juin]. Boudin traverse ensuite une période difficile. Il réalise plusieurs peintures avec le peintre de marines Henri Cassinelli (v. 1833- fin du XIXe siècle), part pour Paris et en revient, déçu.

S’il cherche encore à s’affirmer, Boudin n’en est pas moins le mentor de Monet : « tout le temps de mon séjour à Paris, qui dura quatre années, et qu’entrecoupèrent de fréquents voyages au Havre, c’est sur les conseils de Boudin que je me réglai » [propos rapporté par François Thiébault-Sisson, « Claude Monet : années d'épreuves », 1900]. En 1862, Boudin s’installe à Trouville et, au cours de l’été, il peint les premières scènes de plages. Les éléments qui composent ces œuvres appartiennent au registre de la « modernité » voulue par Charles Baudelaire (1821-1867). À l’automne, Boudin fait la connaissance de Jongkind. Celui-ci bénéficie d’une grande maturité technique, laquelle impressionne considérablement Monet. Jongkind contribue aussi à affermir Boudin dans la voie qu’il s’était tracée.

L’une des œuvres exposées par Boudin au Salon de 1865, Concert au casino de Deauville montre qu’il a résolu les difficultés liées à la représentation de figures en plein air. À l’automne, Courbet, Whistler, Monet et Boudin sont à Trouville : « hier, nous avons affronté le grand air et travaillé bravement dehors, Courbet, Whistler et moi » [13 novembre 1865]. Courbet et Whistler présentent Boudin à certains de leurs collectionneurs. En retour, Boudin intervient auprès du collectionneur havrais Gaudibert : « je fais l’article pour mes confrères » [13 novembre 1865].

En 1868, Boudin invite Courbet et Manet à participer à l'exposition maritime et internationale du Havre. Grâce à l'entremise de Boudin, Courbet reçoit une médaille d'or et Manet une médaille d’argent. Mais Boudin ne parvient pas à convaincre les organisateurs d’acheter les œuvres de Courbet et de Manet. Cette même année, lors d’une vente publique organisée par Boudin, Monet et ses amis interviennent et font de l’événement un véritable succès. Émile Zola (1840-1902) prend la défense de Boudin dans ses critiques du Salon.

Les familles Boudin et Monet passent l’automne 1870 à Trouville, dans une grande intimité. Monet emprunte à Boudin le thème de la scène de plage et Boudin reprend de Monet la représentation des jetées de Trouville à marée basse. Monet s’affranchit alors de l’influence de Jongkind et revient à des principes de composition chers à Boudin. Celui-ci gagne ensuite l’Angleterre, tandis que Boudin part pour la Belgique.

En 1874, Boudin expose aux côtés des impressionnistes. Il conservera un désagréable souvenir de cette expérience, qu’il ne souhaitera pas renouveler : « Cela nous reporterait à certaines scènes chez les intransigeants où l’on a vu des gens qui se vengeaient tout haut d’avoir dépensé si mal, à leur idée, leur pièce de vingt sous » [25 décembre 1882].

Sauf mention contraire dans le texte, toutes les citations sont extraites de la correspondance d’Eugène Boudin conservée à l’Institut national d'histoire de l'art (INHA).