Figures

« Le portrait était alors en vogue ; ce fut dans ce genre que je débutai. J’y aurai fait quelques progrès sans doute, mais outre que ma manière ne plaisait guère aux bourgeois, le daguerréotype venait d’être inventé et le portrait peint subit un temps d’arrêt : on y renonça tout à fait ». Contraint de gagner sa vie, Boudin explorera d’autres thèmes susceptibles de plaire à une clientèle appartenant à la bourgeoisie d’affaires : nature morte, paysage, marine. Il réservera le portrait à quelques représentations intimes de ses proches.

Néanmoins, il conservera toujours un intérêt pour la figure humaine. Sans doute a-t-il médité le conseil donné par Baudelaire : « Chose assez curieuse, il ne m'arriva pas une seule fois, devant ces magies liquides ou aériennes, de me plaindre de l'absence de l'homme; mais je me garde bien de tirer de la plénitude de ma jouissance un conseil pour qui que ce soit, non plus que pour M. Boudin. Le conseil serait trop dangereux. / Qu'il se rappelle que l'homme, comme dit Robespierre qui avait soigneusement fait ses humanités, ne voit jamais l'homme sans plaisir, et, s'il veut gagner un peu de popularité, qu'il se garde bien de croire que le public soit arrivé à un égal enthousiasme pour la solitude » [compte-rendu de Salon, 1859].

Parmi les dessins exécutés en Normandie et en Bretagne au cours des années 1850, les études de figures dominent. Boudin s’attache moins aux physionomies qu’aux attitudes. Il utilisera cet important répertoire dans ses peintures. Les personnages qui peuplent ses paysages ne servent pas seulement à donner l’échelle, ou à donner un semblant d’animation. Tout autant que la topographie et que la qualité particulière de la lumière, l’aplomb des figures et la justesse des postures concourent au naturalisme de la représentation.

L’enveloppe lumineuse des figures est l’autre préoccupation de Boudin. Pêcheurs sur les quais, paysans au marché, estivants sur les plages, Bretonnes au Pardon ou laveuses au bord de la rivière, figures isolées ou groupes denses, l’objectif reste le même. Boudin veut traduire picturalement l’intensité lumineuse du plein air ou de la pénombre d’un intérieur. Les formes se réduisent à des taches de couleurs pures et juxtaposées, mais qui, d’un point de vue optique, donnent l’apparence de la réalité.