Cézannisme

Déconstruire, simplifier, construire : le cézannisme de Raoul Dufy
Après s’être démarqué du « réalisme impressionniste » de ses débuts en puisant son inspiration dans l’art de Matisse, conforté dans la voie d’un renouvellement pictural fondé sur une libération de la couleur, Dufy continue à créer un art d’invention. Avéré dès 1905, son intérêt pour la technique cézannienne se renforce après la visite de la rétrospective de Cézanne au Salon d’Automne de 1907. Ses œuvres s’orientent alors vers de nouvelles préoccupations formelles nettement empreintes des recherches de Paul Cézanne, qui exerce alors une forte influence sur le développement des avant-gardes et en particulier du cubisme.
 
Dans une simplification des formes naturelles en leurs formes géométriques essentielles, Cézanne a voulu traiter de la nature par le cylindre, la sphère et le cône (un tronc d'arbre peut être conçu comme un cylindre, une tête humaine comme une sphère, etc.) parvenant à restituer la perception de la profondeur par sa maîtrise de la construction de l'espace. En expérimentant plusieurs plans de vue d’un même sujet et le fractionnement de la forme, il a ouvert la voie au développement de l’art moderne. Dufy n’est pas en reste et commence à mettre de l’ordre et de la densité dans ses peintures. Trois variantes successives du cézannisme se font alors jour dans son œuvre entre 1908 et 1915.
 
Lors de son séjour dans le Midi en 1908, Dufy introduit le vocabulaire cézannien dans la série des Barques aux Martigues, exemplaire de l’évolution qu’il opère entre fauvisme et cubisme : aux précédents paysages alliant saturation de la couleur, schématisation des figures et planéité de l’espace tel Coup de vent. Pêcheurs à la ligne (1907), succède une économie de motifs aux tons sourds dépourvus de toute figure et une géométrisation de l’espace et des volumes au moyen d’une touche directionnelle orientée par plans colorés. Ces toiles représentatives du « premier cézannisme » de Dufy préfigurent les expérimentations plastiques rigoureuses initiées aux côtés de son ami havrais Georges Braque à l’Estaque, qui inaugurent sa période constructive.
 
Dufy réalise alors une série de paysages emblématiques du « cubisme cézannien » où la structure et la composition priment sur la couleur. À l’Estaque, il assimile et approfondit le procédé cézannien des « passages » entre les plans colorés qui contribuent à unifier l’espace. Le sujet est moins le motif peint d’après nature que les lignes et les volumes qui le composent.
 
De retour au Havre, il transpose les acquis de ces expérimentations au sein de larges panoramas, réintroduisant la figure humaine dans son environnement naturel tout en renouant avec l’iconographie maritime de sa ville natale : La Plage de Sainte-Adresse, Le Casino Marie-Christine, La pêche au haveneau et Le Port du Havre comptent parmi ses thèmes de prédilection.

FOCUS ŒUVRE __ 
Avec Maison et jardin au Havre (1915), évocation de la maison de son enfance, il réalise une synthèse du cézannisme : la rigueur géométrique s’estompe au profit d’un espace plus clair et d’une stylisation décorative où s’épanouissent courbes et arabesques qui deviennent la marque de son originalité. Cette œuvre s’enrichit de son expérience dans l’art ornemental du tissu – son implication dans la maison de soieries Bianchini-Férier comme sa connivence avec le couturier Paul Poiret – en privilégiant le thème floral et végétal, et le motif de la rose. Maison et jardin au Havre est l’œuvre qui marque véritablement la fin de sa période « cézannno-cubiste ».
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Texte d’Olivier Gaulon, d’après les textes d’Annette Haudiquet, de Sophie Krebs, de Nadia Chalbi, ainsi que d’extraits de presse de l’époque.
 
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