Portraits et dynamisme

Hommes et animaux

Reynold ARNOULD (1919-1980), Sans titre (Charles Laughton marchant), 1951, lavis et encres de couleur, 47 x 36 cm. Ancienne collection Camille Renault. Collection Rot-Vatin. © cliché S. Nagy
Reynold ARNOULD (1919-1980), Sans titre (Charles Laughton marchant), 1951, lavis et encres de couleur, 47 x 36 cm. Ancienne collection Camille Renault. Collection Rot-Vatin. © cliché S. Nagy
Reynold Arnould n’a cessé de pratiquer l’art du portrait, appris dans sa jeunesse auprès de Jacques-Emile Blanche. C’est à une série de portraits du restaurateur Camille Renault qu’il consacre sa première grande exposition parisienne en 1949. C’est alors l’immobilité massive du personnage qui retient son attention. Aux Etats-Unis, Reynold Arnould renouvelle en 1951 cette démarche sur l’acteur Charles Laughton, rencontré à l’université Baylor de Waco où il enseigne. Comme Renault, Laughton a une carrure imposante. Mais, ce que cherche à saisir ici le peintre dans des portraits en pied, c’est la mobilité de l’acteur perché sur ses petits pieds comme une danseuse-étoile.
 
Reynold ARNOULD (1919-1980), Sans titre, ours (mascotte de l’université de Baylor), vers 1950, lavis sur papier de riz, 18 x 25 cm. Collection Rot-Vatin. © cliché S. Nagy
Reynold ARNOULD (1919-1980), Sans titre, ours (mascotte de l’université de Baylor), vers 1950, lavis sur papier de riz, 18 x 25 cm. Collection Rot-Vatin. © cliché S. Nagy
A la même époque, Reynold Arnould est saisi par le rythme des corps, ceux des footballeurs du Texas qu’il représente en mouvement comme plus tard les machines de Forces et rythmes de l’industrie. Pour saisir Laughton ou les joueurs de football, il utilise volontiers le pinceau trempé dans de l’aquarelle ou de l’encre de chine, parfois sur du papier de riz japonais. Inspiré par la tradition japonaise du lavis, il se livre aussi à l’art animalier : chats, ours (l’animal-totem de l’université Baylor de Waco), et volatiles divers.
 
Reynold ARNOULD (1919-1980), Le Coq, 1953, huile sur toile, 66 x 81,5 cm. Le Havre, musée d’art moderne André Malraux. Achat de la Ville, 1954. © 2015 MuMa Le Havre / Charles Maslard
Reynold ARNOULD (1919-1980), Le Coq, 1953, huile sur toile, 66 x 81,5 cm. Le Havre, musée d’art moderne André Malraux. Achat de la Ville, 1954. © 2015 MuMa Le Havre / Charles Maslard
Le portrait animalier resta un de ses thèmes favoris. Sa femme Marthe et lui-même adoraient les animaux et leur maison était une véritable ménagerie, remplie de chats, chiens et oiseaux. Dans ses œuvres animalières, Arnould affirme la puissance de son trait, mais aussi sa fantaisie. C’était là probablement le jardin secret de sa peinture, partagé avec son épouse.

Saisir le rythme du visage

Reynold ARNOULD (1919-1980), Autoportrait, 16 Septembre 1943, huile sur toile contrecollée sur contreplaqué, 35 x 27,5 cm. Paris, Centre Pompidou - Musée national d'art moderne - Centre de création industrielle. don de la succession Marthe Bourhis-Arnould en 1999. © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Bertrand Prévost
Reynold ARNOULD (1919-1980), Autoportrait, 16 Septembre 1943, huile sur toile contrecollée sur contreplaqué, 35 x 27,5 cm. Paris, Centre Pompidou - Musée national d'art moderne - Centre de création industrielle. don de la succession Marthe Bourhis-Arnould en 1999. © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Bertrand Prévost
Reynold Arnould consacre sa dernière grande exposition en 1969 à la Galerie de France (elle est ensuite reprise aux musées du Havre, de Rouen et de Brest) à Quarante ans de portraits. Par ce regard rétrospectif, il entend souligner ce vers quoi il tend, infatigablement, depuis des décennies : saisir le rythme d’un visage. Il lui faut pour cela répéter inlassablement le travail sur les mêmes motifs, comme il l’a fait sur Camille Renault ou Charles Laughton. Mais les visages saisis de la façon la plus récurrente sont celui de Marthe et le sien propre.

Dans les années 1960, le portrait devient son art de prédilection. D’autres visages vont s’imposer : ceux des écrivains Max-Pol Fouchet ou Miguel-Angel Asturias, de ses amis les peintres Alfred Manessier ou Mario Prassinos, des critiques Frank Elgar et Jean-Louis Ferrier, de la galeriste Martine Prevost, de l’historien d’art René Huyghe, de son ami Max Querrien, le directeur de l’Architecture au ministère de la Culture, de François Mitterrand et, plus que tout autre, celui d’André Malraux, dont il a su saisir le visage tourmenté de façon étonnamment épurée.
 
Reynold ARNOULD (1919-1980), Pour un portrait de Frank Elgar, 1964, huile sur toile, 61 x 50 cm. Collection Rot-Vatin. © Droits réservés
Reynold ARNOULD (1919-1980), Pour un portrait de Frank Elgar, 1964, huile sur toile, 61 x 50 cm. Collection Rot-Vatin. © Droits réservés
Mais il veut aller plus loin en introduisant la dynamique dans le regard du spectateur et se tourne vers une forme originale d’art cinétique. Pour cela, il réalise ses portraits sur des rouleaux d’herculène qu’il met en mouvement autour d’un éclairage. Il fait même breveter son système d’enroulage qui permet de faire avancer grâce à une commande le rouleau dans un sens ou un autre. Ses portraits sont alors enchevêtrés, à la manière des voitures dans les grands totems représentant des embouteillages qu’il avait peints en 1955. Trois grands rouleaux sont notamment réalisés au cours de l’été 1968 dans la grange que lui prête Alix de Rothschild dans sa propriété du Reux dans le Calvados. Ils sont consacrés à Marthe, à Malraux et au critique Jean-Louis Ferrier.
Biographie établie par François Vatin d'après Gwenaële Rot et François Vatin, Reynold Arnould. Une poétique de l'industrie, Paris, Presses universitaires de Nanterre, 2019
 
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Œuvres monumentales  ↩
 

Illustrations