Un événement exceptionnel : le retour de l’œuvre de Degas, Les Blanchisseuses sur les cimaises du MuMa

Par arrêté du 26 juin 1961, le tableau de Degas est déposé, en même temps que quatre autres œuvres au musée-maison de la culture du Havre qui vient juste d’ouvrir. Ce dépôt de l’Etat marque l’intérêt du jeune ministère chargé de la culture pour ce nouveau musée.
L’Etat en était devenu propriétaire en 1953 grâce à la générosité de Carle Dreyfus, conservateur des objets d’art au Louvre, qui avait légué toute sa collection aux Musées nationaux et au Musée des Arts décoratifs.
Exposé dès l’inauguration du musée, ce petit tableau est volé le 27 décembre 1973. Les semaines qui suivent connaissent leur lot de rebondissements (en particulier une demande de rançon), puis l’œuvre disparaît totalement et on n’entend plus parler d’elle. L’enquête reste donc sans suite.
Après 36 ans de silence et de voyages au long cours, coup de théâtre ! Le tableau réapparaît en octobre 2010 à la faveur d’une vente aux enchères organisées par Sotheby’s à New York. Un connaisseur particulièrement avisé de Degas et du musée du Havre reconnaît le tableau disparu et alerte le musée Malraux. Une intense période de coopération internationale et de dialogues s’engage entre professionnels français et américains qui aboutit à restitution du tableau, sans contrepartie, par le détenteur de bonne foi, à l’Etat français, en accord avec les autorités américaines. Le 11 février, une cérémonie de remise officielle présidée par le ministre de la Culture et de la Communication est organisée au ministère en présence de l’Ambassadeur des Etats-Unis en France. A cette occasion, le ministre annonce à Edouard Philippe, maire du Havre, que le tableau retournera au Havre, comme dépôt de l’Etat.
 
Edgar DEGAS (1834-1917), Les Blanchisseuses, ca. 1870-1872, huile sur toile, 15 x 21 cm. © Ministère de la Culture et de la Communication / Didier Plowy
Edgar DEGAS (1834-1917), Les Blanchisseuses, ca. 1870-1872, huile sur toile, 15 x 21 cm. © Ministère de la Culture et de la Communication / Didier Plowy
50 ans donc après son arrivée au Havre, au musée-maison de la culture, Les Blanchisseuses de Degas regagnent les cimaises du Musée d’Art moderne André Malraux.

Mais alors qu’en 1961, Les Blanchisseuses était le seul Degas que l’on pouvait voir au musée-maison de la culture, il revient cette fois enrichir un fonds extraordinaire de 46 dessins de l’artiste. En effet, lorsqu’en 2004, Madame Hélène Senn-Foulds donne au musée Malraux la collection de son grand-père Olivier Senn, amateur havrais de la fin du XIXe et début XXe siècle, elle fait entrer pour la première fois au musée un ensemble considérable de cet artiste atypique du mouvement impressionniste. Senn s’est passionné pour l’oeuvre de jeunesse de Degas et sa collection comprend donc une série tout  fait remarquable de dessins préparatoires pour les grandes compositions historiques que l’artiste entreprend à son retour d’Italie, entre 1859 et 1865. « De Delacroix à Marquet, donation Senn-Foulds, dessins », paru en juillet 2011, publie la totalité de cette collection. (Editions d’art Somogy. 320 pages).

Les Blanchisseuses garde pour l’instant leur part de mystère. Disparu en 1973, ce merveilleux petit tableau a échappé au travail de relecture que les historiens de l’art ont consacré à Degas et dont la grande rétrospective au Grand Palais à Paris (présentée également au musée des Beaux-Arts du Canada à Ottawa et au Metropolitan Museum of Art à New York) en 1988-1989 a marqué une étape importante.

Très différent de sa série de Blanchisseuses, ce tableau pose la question du sujet. Il semble presque certain qu’il ne représente pas des blanchisseuses, et encore moins de blanchisseuses souffrant des dents, comme une lecture un peu trop rapide l’a sans doute laissé entendre. Mais alors qui sont ces femmes ? que font elles ? L’examen effectué au retour de l’œuvre sur le territoire français par le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France n’a rien révélé de particulier et il faudra donc maintenant effectuer de nouvelles recherches, convoquer les spécialistes de Degas et faire parler l’œuvre !
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Billet de blog du jeudi 14 juin 2018

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