_{24 Juin 1961 : Inauguration du musée-maison de la culture / Film : Le Havre, Archives municipales}

Il y a de cela 60 ans, André Malraux prononce le 24 juin 1961 un discours qui résonne encore dans les esprits. Celui de l’inauguration du premier Musée-Maison de la culture au Havre, symbole d’un renouveau après les terribles années de la Seconde Guerre Mondiale. Un nouveau chapitre commence alors où la culture sera au cœur du travail de reconstruction. André Malraux alors Ministre chargé des Affaires culturelles s’adresse aux Havrais ainsi : « Il n’y a pas une maison comme celle-ci au monde, ni même au Brésil, ni en Russie, ni aux Etats-Unis. Souvenez-vous, Havrais que l’on dira que c’est ici que tout a commencé. ».

A la reconstitution du nouveau musée, une question préoccupe quant à la forme du bâti. Devrait-il reprendre les codes architecturaux et muséographiques de l’ancien musée ? Ou au contraire, faire preuve de modernité tout en créant une dynamique nouvelle entre les œuvres et l’espace. Reynold Arnould, alors Conservateur des musées du Havre depuis 1952, expose sa vision du projet : « Il est des occasions de rompre avec une tradition qui a eu pour conséquence de faire considérer le musée comme un lointain mausolée, par tous ceux à qui il peut le plus apporter^[1]». Le projet du Musée-Maison de la culture est né de la rencontre de deux visions, celle de l’Etat et celle de la ville du Havre. Ce nouveau lieu de culture havrais fait partie d’un projet de modernisation du territoire national voulant instituer la société par les arts. L’Etat, par une politique de décentralisation, tend à démocratiser l’accès à la culture.

C’est en 1959 qu’André Malraux évoque pour la première fois le projet des maisons de la culture dans ses discours officiels au Sénat. Après huit années de recherche et de réflexion quant à l’architecture et son organisation, le Musée-Maison de la culture sort de terre sous l’ombre rassurante de la sculpture monumentale d'Henri Georges Adam, Le Signal, comme un œil ouvert sur le monde et les arts.

^{[1] Archives MuMa, Reynold Arnould, « Le Musée centre culturel, service social, éducatif », 10 p.}

11H : Arrivée d'André Malraux, ministre des Affaires culturelles, qui va inaugurer officiellement l'ouverture du premier musée-maison de la culture en France situé Chaussée des Etats-Unis au Havre.

11H10 : Discours officiel d'inauguration prononcé par André Malraux dans la grande nef du musée-maison de la culture devant une foule compacte.

11H30 : Visite du musée par André Malraux. On reconnaît les œuvres anciennes des collections du MuMa : Melchior de Hondecoeter, Chien défendant le gibier (1658) ; Paysage à l'attelage passant un gué (Inconnu, 17^e s.) ou Adam et Ève (Inconnu, 16^e s.) mais aussi les acquisitions contemporaines des conservateurs Alphonse Saladin (Maurice de Vlaminck, La Route à Chandai ou La Route à Pontoise, vers 1925) et Reynold Arnould (Édouard Pignon, La Cuisine, 1950).

11H45 : Moment de complicité entre André Malraux et Reynold Arnould alors conservateur des musées du Havre et acteur primordial du renouveau du musée du Havre ! Ses projets pour le musée comme pour ses expositions temporaires et itinérantes traduisent ses interrogations et ses préoccupations vers l’éducation populaire qui rencontrent alors les ambitions d’André Malraux pour les Maisons de la Culture : comment présenter les œuvres d’art, comment montrer la peinture moderne : quels dispositifs pour porter l’art vers les lieux où on ne l’attend pas (les écoles, les usines, la rue…), comment aller à la rencontre des publics qui ne poussent pas facilement les portes des institutions culturelles et les inviter à venir… des questionnements qui sont encore moteurs dans les actions des musées aujourd’hui.

12H10 : Moment officiel "Photos et Interviews" d'André Malraux par les journalistes devant la mer et la sculpture très photogénique Le Signal (1961) d'Henri Georges Adam. Cette sculpture monumentale de 22 mètres d'envergure et d'un poids de 220 tonnes a été commandée par l'État en 1956 pour la terrasse du musée-maison de la culture du Havre.

13h : Poursuite de la visite du nouveau musée avec Madeleine Malraux, pianiste, concertiste, femme d'esprit et de culture qui accompagna son mari André Malraux lors de ses voyages officiels. Même si son sourire irradie cette assemblée masculine, il cache certainement une profonde tristesse, le couple vient en effet de perdre un mois auparavant les deux fils d'André Malraux dans un accident de voiture, que Madeleine élevait comme les siens.

15h : Concert dans la grande nef du musée donné par l’Orchestre de la Radiodiffusion-télévision française (RTF) sous la direction de Pierre-Michel Le Conte. Au programme : La Pastorale d'Été d'Arthur Honegger, La Création du monde de Darius Milhaud et La Rhapsodie à 7 d'André Jolivet.

16h30 : Visite de la ville et du port du Havre en bateau pour certains invités en présence d'André Malraux.

17H : Représentation théâtrale donnée au théâtre A.B.C. (93 rue Louis Brindeau) Dans le cadre de l'ouverture du musée-maison de la culture, une pièce de Victor Hugo Mille francs de récompense est interprétée de 17h à 20h par la troupe de la Comédie dramatique de l'Est sous la direction d'Hubert Gignoux.

19H : Inauguration des 4 expositions présentées pour l'occasion. On en profite pour vous annoncer la publication prochaine sur notre site internet des anciennes expositions organisées au MuMa depuis son ouverture en 1961 !

• ECOLE DE PARIS, ART DECORATIF (Tapisseries, Vitraux) composée d'œuvres ayant participé à la grande exposition organisée au Japon par le Ministère d'Etat des Affaires Culturelles et le Ministère des Affaires Etrangères (Tokyo, Kyoto) dans le cadre des accords culturels Franco-Japonais, avec le concours du Journal Yomiuri, et qui n'a pas été présentée à Paris. (Nef).
• TAPISSERIES DE PETITS FORMATS (Arp, Braque, Calder, Chastel, S. Delaunay, Dufour, Edelmann, Ernst, Gischia, Lagrange, M. Leiris, Man Ray, Miro, Penrose, Picasso, Poncet, S. Tauber Arp (rez-de-chaussée bas).
• DESSINS ORIGINAUX D'EISENSTEIN (rez-de-chaussée bas).
• DOCUMENTS SUR ABEL GANCE (rez-de-chaussée bas).

21H : Projection d'extraits d'œuvres du cinéaste Abel Gance, grande figure du cinéma français muet de l'entre-deux-guerres. Saviez-vous qu'il était présent aux côtés de Malraux lors de l'inauguration du musée dans la matinée du 24 juin 1961 ?

Depuis 1961, plus de 300 expositions se sont succédées et les visiteurs sont toujours plus nombreux à venir admirer les collections majeures et les expositions du MuMa. Le nom a changé, mais la volonté originelle de faire vivre la culture dans ce magnifique espace de lumière face à la mer persiste dans le temps.

Le musée reste un lieu où les arts cohabitent et se nourrissent mutuellement. Musique, rencontres, danse, cinéma expérimental… en écho aux innovations des peintres impressionnistes. C’est cela l’esprit Malraux. Alors comme un hommage, pareil à la genèse même de ce qu’a été le MuMa dans les années 60, des artistes aux sensibilités plurielles se sont emparés de la grande nef du musée pour laisser libre cours à leur imagination. Cette collaboration avec d’autres institutions culturelles de la ville dont bien évidemment Le Volcan-Scène Nationale du Havre, a permis de proposer une dizaine de rendez-vous filmés, de Moments partagés.

Guillaume Vincent, pianiste invité par Le Volcan a été le premier à faire résonner dans la grande nef vide du MuMa des notes de Rachmaninov. D’autres musiciens comme Sébastien Rault, François Lebègue ou les Musiciens de Saint-Julien se sont immergés également dans le lieu ainsi que des artistes, le photographe Christian Richer ou encore le plasticien Frédéric Vaysse. D’autres propositions originales ont été réalisées comme celle de la compagnie La BaZooka ou encore des chorégraphes et interprètes de la compagnie PJPP.

Au total, près de huit institutions culturelles ont mis en lumière des artistes talentueux, une manière aussi d’apporter une bulle d’oxygène à des artistes en difficulté en raison de la fermeture des lieux culturels pendant cette pandémie.