Laurent Marcel Burger, un sculpteur havrais redécouvert

Les expositions sont souvent l’occasion d’étonnantes (re)découvertes. L’exposition Né(e)s de l’écume et des rêves, visible au MuMa en 2018, en présentant un grand médaillon de bronze intitulé Pêcheur attaqué par une pieuvre, n’échappe pas à la règle.
Laurent Marcel BURGER (1898-1969), Pêcheur attaqué par une pieuvre, 1926, bronze, 101,5 x 101,5 cm. MuMa musée d'art moderne André Malraux, Le Havre. © 2018 MuMa Le Havre / Charles Maslard
Laurent Marcel BURGER (1898-1969), Pêcheur attaqué par une pieuvre, 1926, bronze, 101,5 x 101,5 cm. MuMa musée d'art moderne André Malraux, Le Havre. © 2018 MuMa Le Havre / Charles Maslard
Simplement signée Burger, cette étonnante œuvre de plus d’un mètre de diamètre, habituellement conservée dans les réserves du MuMa (Inv. 870), gardait jusqu’alors le secret de ses origines. Seul le registre d’inventaire témoigne d’une acquisition, en 1926, de cette œuvre par le musée, alors dirigé par un autre sculpteur havrais, Alphonse Saladin, pour la somme de 3285 francs.

Si le Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs d’Emmanuel Bénézit recense, parmi plusieurs homonymes, un certain Marcel Burger (1898-1969), sculpteur natif du Havre, il s’agissait de creuser cette piste. Un lien est rapidement fait avec un projet de médaille de Laurent Marcel Burger, conservé à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, dont la composition est proche de l’œuvre du MuMa, même si son traitement diffère sensiblement.
 
La médaille de l’ENSBA est le projet présenté par Laurent-Marcel Burger au concours du  prix de Rome de 1926 pour la gravure en médaille, dont le sujet, inspiré des Travailleurs de la mer, était : « un pêcheur attaqué par une pieuvre cherche à se défaire des tentacules qui l’enserrent ». L’Académie des Beaux-Arts, appelée à juger le 16 juillet 1926, décerne à l’artiste le 2ème Second Grand Prix pour son travail1. L’attribution du médaillon du MuMa à Laurent-Marcel Burger devient d’autant plus certaine qu’une photographie signée de l’artiste représentant ce médaillon, dans sa version originale en plâtre, est conservée dans les registres du journaliste et homme de lettres havrais Bernard Esdras-Gosse, donnés aux bibliothèques municipales en 20062. Le médaillon du MuMa semble donc bien être le tirage en bronze de l’esquisse en plâtre sur laquelle l’épreuve du prix de Rome a été jugée.

Les archives municipales du Havre conservent la photographie d’un autre bas-relief de plâtre de Laurent Marcel Burger figurant un athlète portant dans ses mains une victoire. L’athlète y est représenté de profil, nu, assis sur un entablement supportant une palme de la victoire et orné de deux scènes gravées dans la pierre illustrant deux épreuves olympiques : la lutte et la course. Ce document illustre le projet présenté par Burger en 1929 lors de sa seconde tentative au concours du Grand prix de Rome. L’intitulé du sujet est « Médaille olympique de l’athlète vainqueur du pentathlon ». Burger y finit 3e logiste3.

1. Le Petit Parisien, 17 juillet 1926, p.2
2. Le Havre, Bibliothèques municipales, Témoignages de Bernard Esdras-Gosse, t. 1, p. 64.
3. Dossier de Marcel Burger à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts, AN. AJ/52/1224
Les ressources offertes par les archives municipales ou nationales ainsi que par la presse permettent de redonner un peu de chair à Laurent Marcel Burger, aujourd’hui tombé dans l’oubli.

Laurent Marcel Burger naît au Havre le 29 janvier 1898 de l’union d’Alfred Burger, dessinateur, et d’Adèle Hertel, sans profession. Il suit dans sa ville natale les enseignements de  l’École municipale des Beaux-Arts avec un certain succès puisqu’un compte rendu, malheureusement non daté, de l’exposition annuelle des travaux des élèves de l’École municipale des Beaux-Arts, relate que « les résultats les plus remarquables de la sculpture sont certainement les médailles. M. Marcel Burger expose deux médaillons excellents, d’une facture précise et souple à la fois. Ses bustes en ronde-bosse sont bien construits et d’une facture délicate ». Il reçoit par la suite une bourse de la Ville et du Département de la Seine-Inférieure pour lui permettre de poursuivre ses études à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de 1923 à 1932, où il suit les enseignements d’Auguste Patey, Grand prix de Rome en 1881, de Carli  et de Paul Landowski. Il y obtient le 1er prix au concours Chenavard en 1926 et en 19291.

En 1927, Burger remporte le concours lancé par le journal Le Matin pour choisir une œuvre d’art destinée à symboliser l’effort du premier aviateur français qui survolera l’Atlantique avec, à la clef, un prix de 20.000 francs. L’allégorie sculptée par l’artiste représente le Français Charles Nungesser, disparu quelques semaines plus tôt dans sa tentative de rallier les deux côtes de l’Atlantique par avion en compagnie de François Coli, montrant le large à Charles Lindbergh qui rallie à bord du Spirit of Saint-Louis, New York à Paris les 20 et 21 mai 1927. Au-dessous des deux pilotes, Neptune assiste, impuissant, à la victoire des ailes sur la mer2. Un tel sujet ne pouvait manquer d’intéresser Burger qui avait servi dans l’aviation entre 1917 et 19193.

La commission sportive de l’aéro-Club de France homologue l’attribution du trophée, d’une valeur de 50.000 francs4,  à la Société anonyme des ateliers d’aviation Louis Bréguet suite à la traversée de l’Atlantique par les aviateurs Coste et Bellonte, les 1er et 2 septembre 1930, sur un appareil Bréguet 19, le Point d’interrogation. Dans un discours aux accents patriotiques, l’amiral Docteur, président directeur général du journal Le Matin, précise à cette occasion « ce trophée perpétuera à jamais l’inoubliable victoire remportée par un avion français, muni du moteur français Hispano-Suiza et monté par un équipage français ».

Burger est par ailleurs l’auteur de plusieurs médailles et plaquettes, dont une plaquette en bronze intitulée Construction réalisée pour la Monnaie de Paris en 19335. Sociétaire des Artistes Français en gravure sur médaille, Laurent Marcel Burger  est honoré par le jury du Salon d’une médaille d’honneur en 1925, d’une médaille de bronze en 1929 et d’argent en 1933. Il y expose en 1935 un buste en plâtre de H. Allard, inventeur.
Laurent Marcel Burger meurt à Paris le 1er mai 1969 et est enterré au cimetière parisien de Bagneux.

1. Dossier de Marcel Burger à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts, Archives nationales, AJ/52/1224
2. Journal Le Havre, 2 juillet 1927, p. 2 « Un nouveau succès de Marcel Burger ».
3. Archives départementales de la Seine-Maritime, Registres matricules 1R3447
4. Journal L’Homme libre, 4 novembre 1930, p. 4 « À l’aéroclub de France »
5. Savigny-le-Temple, Centre des archives économiques et financières, dossier RP-3/BURGER
Par Michaël Debris, Coordinateur des expositions au MuMa

Article paru initialement dans La Gazette des amis des musées de Caen, du Havre et de Rouen N°21 - Février 2019
Billet de blog du lundi 18 mars 2019

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