Copieux, Dessins de guerre, 1914-1918

À découvrir en salle, dans le cabinet des dessins du MuMa, à partir du 19 février et pendant l'exposition « Le siècle d'or de la peinture danoise », jusqu'au 04 mai 2014.
"Toutes ces histoires-là n'intéressaient plus personne"

Albert Copieux
 (1885-1956), peintre, graveur et aquarelliste, a longtemps tenu secrète une oeuvre monumentale constituée de 1530 dessins et croquis de guerre, réalisée en cinq ans de mobilisation au front. En 1928, conscient de leur extraordinaire valeur, Alphonse Saladin, ami de Copieux,et conservateur du musée des beaux-arts du Havre, exposait la totalité de cet ensemble, qui retrace avec véracité une vision terrible et tragique de la Première Guerre mondiale. Le MuMa conserve, parmi un ensemble de 30 oeuvres de l'artiste, 18 dessins de guerre, dont 11 ont pu bénéficier d'une restauration et sont présentés ici.

Né d'un père angevin et d'une mère normande, Albert Copieux devient havrais à l'âge de 7 ans. Sorti de l'école mécanique à 12 ans, il s'adonne à la peinture, au dessin, et intègre l'École des beaux-arts du Havre. Il y côtoie Dufy, Friesz et Braque. A la fin de ses études, après trois années parisiennes en tant que dessinateur maquettiste, sa carrière est brutalement interrompue le 3 août 1914. Il intègre alors le deuxième régiment d'artillerie de campagne en qualité de téléphoniste. La guerre achevée, il s'engage en tant que dessinateur industriel aux Forges et Chantiers de la Méditerranée. En 1947, il est nommé directeur de l'École des beaux-arts du Havre, poste qu'il occupe jusqu'en 1955. La même année, il reçoit la Légion d'honneur.

Copieux a laissé un témoignage saisissant de l'horreur des conflits. Jusqu'à sa démobilisation en 1919, il écrit et représente quasi quotidiennement ce qu'il vit, et envoie ses lettres et dessins à sa mère. En tant que téléphoniste, il est chargé de transmettre les données de tirs aux artilleurs et d'assurer les communications. Ces oeuvres retracent, à travers la vision de l'artiste, les moments historiques de la Grande Guerre : la montée en Belgique en 1914, la bataille en Champagne en 1915, Verdun puis la Somme en 1916, la bataille de l'Oise puis des Flandres en 1917, le Chemin des Dames en 1918 et la contre-offensive de juillet qui conduit à l'Armistice.

Ce corpus graphique d'un style réaliste témoigne, dans sa matérialité même, de la précarité liée à la guerre. En effet, divers matériaux furent employés par l'artiste : morceaux de papier peint, papier d'emballage...

Copieux représente les dures réalités du front, souvent occultées dans les oeuvres des peintres officiels, agréés par le ministère de la Défense. Bien loin des peintures illustrant faits héroïques et réunions de Généraux, il donne un témoignage de la vie quotidienne des "poilus" : cantonnements, relèves, repas et attaques, moments de répit, de souffrance ou de résignation...
Albert COPIEUX (1885-1956), La Relève. Erbeviller, 1917, gouache et crayon sur papier. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Albert COPIEUX (1885-1956), La Relève. Erbeviller, 1917, gouache et crayon sur papier. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Après les combats, les quelques jours de repos à l’arrière du front constituaient un temps de répit pour les soldats. Pour avoir droit à cette retraite, l’étape de la relève s’avérait nécessaire.
Copieux illustre, dans cette oeuvre datée du 5 janvier 1917, cette longue marche harassante de plusieurs heures, sous le poids des équipements (sac à dos, musette, cartouchière, fusil, casque). Plusieurs soldats, représentés à la suite les uns des autres, sortent de la tranchée.
 
Albert COPIEUX (1885-1956), Attaque du Chemin des Dames (recto), 1917, aquarelle, fusain et gouache sur papier vergé. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Albert COPIEUX (1885-1956), Attaque du Chemin des Dames (recto), 1917, aquarelle, fusain et gouache sur papier vergé. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Cette aquarelle, datée du 25 octobre 1917, illustre la préparation de l’artillerie, qui précède toute attaque. La violence des combats est suggérée par la présence sur l’ensemble de la plaine, de cratères formés par les chutes d’obus, mais aussi d’épais nuages de fumée.
 
Albert COPIEUX (1885-1956), Académie d’homme nu (verso), 1917, crayon. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Albert COPIEUX (1885-1956), Académie d’homme nu (verso), 1917, crayon. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Au verso de l'Attaque du Chemin des Dames, cette Académie d’homme nu.
 
Albert COPIEUX (1885-1956), La Marche en avant. Une Route de la Victoire, 1918, gouache sur papier. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Albert COPIEUX (1885-1956), La Marche en avant. Une Route de la Victoire, 1918, gouache sur papier. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Ce dessin, daté du 30 juillet 1918, représente le moment de la sortie des tranchées, précédant l’attaque. À l’arrière-plan, des soldats marchent au pas, le fusil à l’épaule. Copieux, signale de manière grinçante la présence de la mort sur cette “Route de la Victoire” empruntée par les Poilus. Au premier plan, un sol ravagé, déformé par les batailles, les jets d’obus et parsemé de cadavres humains et animaux.
 
Albert COPIEUX (1885-1956), Le Guetteur - octobre 1917. Chemin des Dames (recto), 1917, crayon noir, aquarelle et gouache sur papier. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Albert COPIEUX (1885-1956), Le Guetteur - octobre 1917. Chemin des Dames (recto), 1917, crayon noir, aquarelle et gouache sur papier. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Casqué et vêtu de son uniforme, un guetteur est appuyé contre la paroi de la tranchée, son regard tourné vers le camp adverse. Copieux, dans sa volonté de figurer le cauchemar vécut sur le front, commence par représenter l’ennui, l’attente et le long égrènement des heures et des jours rythmés par les tours de guet statiques. Au verso : Scène de tranchée.
 
Albert COPIEUX (1885-1956), Foncquevillers (recto), aquarelle et crayon sur papier Ingres. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Albert COPIEUX (1885-1956), Foncquevillers (recto), aquarelle et crayon sur papier Ingres. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
L’expression “la course à la mer” désigne les combats, tenus de septembre à octobre 1914 ; batailles de plus en plus proches de la frontière belge et des rivages de la mer du Nord. L’artiste a représenté un soldat, de dos, une besace et le fusil à l’épaule, à la bataille de Foncquevillers (ville occupée par les Allemands) du 10 octobre.
 
Albert COPIEUX (1885-1956), Cadavre d’un soldat (verso), fusain. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Albert COPIEUX (1885-1956), Cadavre d’un soldat (verso), fusain. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Au verso du dessin intitulé Foncquevillers, ce Cadavre d’un soldat
 
Albert COPIEUX (1885-1956), Les Chevaux galeux, 1917, sanguine sur papier. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Albert COPIEUX (1885-1956), Les Chevaux galeux, 1917, sanguine sur papier. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Cette sanguine, datée du 10 mars 1917, témoigne des conditions de “vie” des Poilus dans les des tranchées. Froid, insalubrité et maladies affectant les hommes comme les animaux faisaient partie du quotidien.
 
Albert COPIEUX (1885-1956), Dans les boyaux. Scène de tranchée, 1917, sanguine, aquarelle et crayon bleu sur papier. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Albert COPIEUX (1885-1956), Dans les boyaux. Scène de tranchée, 1917, sanguine, aquarelle et crayon bleu sur papier. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Plongés au cœur de la tranchée quatre Poilus sont représentés, entassés les uns contre les autres dans un boyau étroit et boueux. La lutte contre la boue, les poux, les rats, l’humidité et le froid faisaient partie des épreuves des soldats mobilisés.
 
Albert COPIEUX (1885-1956), L’Enterrement d’un fantassin, sanguine, encre noire et crayon bleu sur papier. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Albert COPIEUX (1885-1956), L’Enterrement d’un fantassin, sanguine, encre noire et crayon bleu sur papier. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Copieux illustre ici un moment de recueillement autour de l’enterrement d’un fantassin. Le corps du soldat mort au combat est transporté dans un cercueil, sur une charrette de fortune. Suivant le convoi, quatre autres poilus avancent résignés et tête baissée.
 
Albert COPIEUX (1885-1956), La Gamelle. Scène de tranchée, sanguine sur papier. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Albert COPIEUX (1885-1956), La Gamelle. Scène de tranchée, sanguine sur papier. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Le ravitaillement, le repas, et son attente constituaient un moment majeur de la journée pour les soldats. Trois hommes assis dans un des boyaux de la tranchée, sont figurés en train de déguster le repas de fortune. Au pied du premier une gamelle. L’homme du fond porte une cuillère à sa bouche. Par leur attitude résignée, l’artiste indique l’importance du temps de repas. En effet, l’homme du ravitaillement qui mettait plusieurs heures aller-retour pour convoyer la nourriture portait aux “Poilus”, des boules de pain embrochées, des gamelles froides et des seaux de vin. Moment éphémère de calme, il se déroulait sous la pluie ou dans l’ombre humide des boyaux.
Billet de blog du lundi 17 février 2014

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