Ciels

Boudin exprime très tôt son ambition : « Nager en plein ciel. Arriver aux délicatesses du nuage. Suspendre ces masses au fond, bien lointaines dans la brume grise, faire éclater l'azur » [journal, 3 décembre 1856, musée du Louvre].
Trois ans plus tard, il rencontre Charles Baudelaire (1821-1867), à Honfleur. Le poète et le peintre ont pour passion commune « l’architecture mobile des nuages » (Le Port). Le premier, Baudelaire dit son admiration pour les « beautés météorologiques », ces études de ciels au pastel réalisées par Boudin.

Par la suite, Alexandre Dumas fils (1824-1895) écrit à Boudin : « Vous, qui êtes l’homme des ciels par excellence », Gustave Courbet (1819-1877) aurait dit : « En vérité, mon cher, vous êtes un séraphin ; il n’y a que vous qui connaissiez le ciel ! » et Camille Corot (1796-1875) l’aurait sacré « Roi des ciels ». Corot n’adopte pas la forme plurielle par hasard. Boudin excelle à peindre les infinies variétés de nuages. Encore en 1920, Claude Monet (1840-1926) parlera de son maître sous le titre de « Roi des ciels ».

Paysage ou marine ne sont que des prétextes. Boudin l’avoue, le véritable sujet de ses peintures est le ciel : « l’on ne passe de bien bons moments que durant la saison d’été, en plein ciel, bien inspiré, bien rafraîchi par le bon air des champs ou des grèves » [17 février 1882].

Il aime particulièrement « de beaux et grands ciels tout tourmentés de nuages, chiffonnés de couleurs, profonds, entraînants » [carnets]. Cet espace inconstant et sans cesse renouvelé envahit progressivement la toile. À partir des années 1880, la frontière entre le ciel et la mer, où le fleuve, s’estompe et l’eau devient le miroir du ciel. Il prélude ainsi au travail de Monet qui, au début du vingtième siècle, peindra les reflets du ciel à la surface du bassin des nymphéas. Toutefois, peintre de l’eau, Monet donnera la prééminence à cet élément.

Dans ses nombreux écrits, Boudin fait toujours preuve d’une grande modestie. Il existe pourtant une exception, et celle-ci concerne son aptitude à peindre les ciels : « Peut-être aussi trouvera-t-on dans mes études du ciel, un côté de la grande nature céleste qui n'a jamais été ni plus ni mieux exploré par mes prédécesseurs » [autobiographie, 1887].
 
Sauf mention contraire dans le texte, toutes les citations sont extraites de la correspondance d’Eugène Boudin conservée à l’Institut national d'histoire de l'art (INHA).