Trafic

Affiche du film Trafic de Jacques Tati (1971). © Droits réservés
Affiche du film Trafic de Jacques Tati (1971). © Droits réservés
  • CINÉMA
Hors les murs

Autour de l’exposition Reynold Arnould, et avec le concours et la participation de Gwenaële Rot et François Vatin, spécialistes du peintre, le MuMa vous propose un ensemble de trois événements qui viendront donner un aperçu de l’œuvre d’Arnould et du contexte dans lequel sa peinture trouve sa plus juste expression : la modernité de l’après-seconde guerre mondiale.

Le premier événement proposé par Le MuMa et le Studio sera une projection du film de Jacques Tati, Trafic. Grâce à l’éclairage de François Vatin et Gwenaële Rot vous découvrirez comment le film de Tati fait écho à la peinture d'Arnould dans un dialogue riche d’enseignement sur les années dites des « Trente glorieuses ».
 
« A propos de Trafic (1971) :
Reynold Arnould et Jacques Tati. Regards croisés sur les « Trente Glorieuses ».
 
Trafic, tourné entre 1969 et 1971 et sorti en 1971, est le cinquième et dernier long métrage de Jacques Tati, si l’on excepte Parade, tourné en 1973 pour la télévision suédoise. Il achève un cycle, commencé dans l’immédiat après-guerre avec Jour de Fête, que l’on peut considérer comme une véritable histoire filmée des Trente Glorieuses. M. Hulot, l’incarnation cinématographique de Tati, se retrouve successivement facteur adepte des méthodes « américaines » (Jour de Fête, 1949), vacancier des « congés payés » (Les vacances de M. Hulot, 1953), ouvrier-catastrophe d’une usine de plastique (Mon oncle, 1958), passant désorienté du nouvel urbanisme de béton et de verre (Play-Time, 1967) et, finalement, ingénieur-bricoleur de l’automobile dans Trafic. Celui-ci est chargé d’amener de son atelier de la région parisienne au salon de l’automobile d’Amsterdam, un camping-car, truffé des inventions loufoques de son invention. Mais, comme toujours chez Tati, la technique défaille, l’autoroute est semée d’embûches qui troublent la fluidité apparente de la circulation, la modernité rationnelle se dissout dans l’absurdité existentielle d’où surnage la poésie et l’humanité, toujours triomphantes.   
Cette même France des Trente Glorieuses accompagne l’œuvre du peintre Reynold Arnould. Celui-ci avait découvert l’Amérique en 1946 et avait vécu trois ans, de 1949 à 1952, à Waco au Texas où il enseignait les beaux-arts à l’université Baylor. Cette découverte de l’Amérique au sortir des restrictions de la guerre l’avait profondément marqué. Elle le conduit à consacrer en 1955 au Musée des Arts décoratifs à Paris une grande exposition consacrée à l’automobile. Il y présente une série de portraits de voitures aux allures anthropomorphes ou zoomorphes, décrivant un « bestiaire de la puissance » selon la formule employée par Roland Barthes cette même année à l’occasion de sa description du salon de l’automobile parisien pour sa série de Mythologiques. Comme Tati, Arnould regarde avec une ironie dénuée d’acidité ces objets mécaniques qui envahissent l’imaginaire de l’homme moderne. Comme Tati, il montre dans ses « totems », empilements de véhicules immobilisés dans les embouteillages, que l’espérance de libre mobilité portée par la voiture conduit inexorablement à l’engorgement.
Arnould, comme Tati, est un observateur du monde moderne qui se cherche. Chez Tati, on pourrait parfois croire à un propos dichotomique, à une inexorable destruction d’une France traditionnelle porteuse de poésie et de lien social au profit d’une rationalité moderne désincarnée. A y regarder de plus près, on voit que c’est plus complexe, car, la poésie ressurgit toujours en dépit de la rationalité recherchée : « Je ne suis pas si retardataire. Après tout, la Défense, c’est moi qui l’ai construite avant tout le monde ... Je me doutais bien un peu de ce qu’ils allaient nous faire, hein ? » déclarait-il en 1981 aux étudiants de cinéma de Jean-André Fieschi. Arnould est moins traditionnaliste. Né en 1919, douze ans après Tati, il fait partie d’une génération arrivée à l’âge adulte avec la guerre et les privations. Il reconnaît pleinement la vertu de la modernisation, mais il veut montrer que la poésie ne saurait en être absente. Sa seconde grande exposition au musée des Arts décoratifs, Forces et rythmes de l’industrie, en 1959, entend témoigner de la beauté plastique de l’industrie moderne. Il ne s’agit pas d’en faire l’apologie mais d’inviter à la regarder autrement afin de réconcilier l’homme moderne avec sa culture. Son projet n’est en ce sens pas si différent de celui de Tati.
On ne dispose pas de trace, pour le moment, de liens directs entre Arnould et Tati. Ont-ils eu l’occasion de voir leurs œuvres respectives ? C’est vraisemblable, tout au moins pour Arnould, amateur de cinéma depuis son enfance.  Qu’en ont-ils pensé ? Nous n’en savons rien. Un homme, pourtant, fait le trait d’union entre eux : Jacques Lagrange (1917-1995). Ce peintre, qui avait participé à la décoration du pavillon de l’électricité pour l’exposition universelle de 1937 auprès de Raoul Dufy, est, comme Arnould, attaché à la Galerie de France et soutenu par les mêmes critiques (Bernard Dorival, Jean-Louis Ferrier, Jean Lescure). En 1961, il est nommé par André Malraux en compagnie de Reynold Arnould au jury des Prix de Rome. Or Lagrange, qui avait rencontré Tati en 1945, est aussi, le coscénariste de tous ses films depuis Les vacances de M. Hulot. Peinture et cinéma n’ont cessé d’échanger au cours du XXe siècle. Le Musée-Maison de la Culture du Havre tel que l’avait pensé Reynold Arnould était un lieu pour ces échanges. L’exposition consacrée à ce peintre au MuMa musée d'art moderne André Malraux est l’occasion de reprendre ce dialogue. » Gwenaële Rot et François Vatin
 
En partenariat avec Le Studio :  www.cinema-le-studio.fr