Marchands

Dès le début de sa carrière de peintre, Boudin sait qu’il doit exposer, rencontrer amateurs et marchands pour vendre. Lui-même connaît le métier de marchand pour l’avoir pratiqué lorsqu’il était papetier au Havre, associé à Jean Acher puis à Lemasle. Il a ponctuellement organisé la vente aux enchères de ses propres œuvres, avec plus ou moins de succès.

Au Havre, plusieurs marchands, parfois occasionnels (Gustave Mathieu, Vals), écoulent sa production, en premier lieu desquels l’encadreur Lebas qui lui fournit des cadres en échange de quoi l’artiste lui confie ses tableaux.

Mais c’est à Paris où il se fixe en 1861 que Boudin trouvera ses plus importants marchands : Eugène Détrimont puis, à partir de 1864, Alfred Cadart, associé à Luquet, dont la maison spécialisée dans l’édition d’estampes accueille Boudin comme une « recrue précieuse ». La faillite de Cadart-Luquet consécutive à une malencontreuse aventure américaine met un terme à la collaboration avec Boudin. Celui-ci se tourne alors vers Pierre Firmin Martin, dit le Père Martin, marchand attitré de son ami Jongkind. Boudin gardera tout au long de sa vie une affectueuse relation avec Martin dont il disait qu’il avait été son « introducteur premier dans le monde des amateurs ». Ce marchand fournira des collectionneurs tels Dumas fils ou le comte Doria. Boudin lui gardera très longtemps sa confiance jusqu’au moment où le marchand vers 1886 semble se retirer des affaires.
 
Pierre-Auguste RENOIR (1841-1919), Portrait de Paul Durand-Ruel, 1910, huile sur toile, 65 x 54 cm. Archives Durand-Ruel. © Durand-Ruel & Cie
Pierre-Auguste RENOIR (1841-1919), Portrait de Paul Durand-Ruel, 1910, huile sur toile, 65 x 54 cm. Archives Durand-Ruel. © Durand-Ruel & Cie
Lorsque Durand-Ruel s’engage auprès des impressionnistes et qu’il devient leur principal marchand, il recherche les œuvres de Boudin. En 1881, il lui achète une grande partie du stock d’invendus et tente d’obtenir de l’artiste l’exclusivité de sa production, en vain. Boudin veut pouvoir continuer à servir ses collectionneurs et marchands habituels. Malgré d’importantes difficultés économiques, Durand-Ruel inaugure en 1883 de nouveaux locaux avec une exposition consacrée à Boudin. Une relation de confiance s’instaure entre Boudin et le marchand qui a l’intelligence de laisser l’artiste libre de son expression picturale et ne cherche pas à le pousser sur la voie d’une peinture finie pour se plier au goût dominant du public.

Au début des années 1890, Durand-Ruel s’emploie à décharger Boudin de toute préoccupation matérielle : il paie son loyer, s’occupe du transport des œuvres destinées au Salon. Pourtant Boudin délaisse peu à peu son marchand et refuse l’organisation d’une grande exposition à Paris et à New York. Lorsqu’il rédige ses dernières dispositions, en juin 1898, il ne choisit pas Durand Ruel pour veiller sur ses œuvres et en faire un choix pour une vente posthume, mais désigne Détrimont, Allard et Bonjean.

Durant les années qui suivront la mort de Boudin, Durand-Ruel continue d’acquérir un nombre important de peintures de l’artiste. Entre 1891 et 1922, il achète plus de 700 œuvres de Boudin. La notoriété posthume dont bénéficiera l’artiste, notamment en Angleterre et aux États-Unis est en très grande partie due à l’activité de ce marchand.