Bretagne

Le 26 novembre 1856, Boudin note dans son journal : « L'envie de fuir me tourmente. Il faut essayer des voyages, ça dérouille ». L’été venu, il part pour le Finistère où il reste deux mois. La Bretagne est alors à la mode et elle passe pour offrir des sujets pittoresques. « Le temps est tellement inconstant que le paysage est impossible » [à Louis Boudin, 12 août 1857].

Boudin rapporte de ce voyage « une caisse de costumes précieux du pays » [à ses parents, 14 septembre 1857, collection particulière] et quantité d’études dessinées à partir desquelles il réalisera quelques peintures. Parmi celles-ci, Le pardon de Sainte-Anne-la-Palud au fond de la baie de Douarnenez (Finistère), qu’il expose au Salon de 1859 et peine à faire acquérir par la Ville du Havre. Après cet essai manqué, il abandonne temporairement les sujets bretons.

En 1863, il épouse une Bretonne originaire de Hanvec et, deux ans plus tard, ainsi que les années suivantes, il se rend dans sa belle famille. Il est fasciné par la vie des paysans bretons. Sa palette prend alors des tonalités sourdes, conformes au mode de vie austère de ses modèles. Et s’il assiste aux pardons, marchés ou aux moissons, il travaille surtout dans les intérieurs : « malgré tout le charme du paysage et des grèves, je n’en ai pas fait une seule étude tant je suis attiré vers les chaumières aux fortes ombres et aux vieux lits » [13 août 1867]. La demande de marines, à partir de 1868, l’incite à se rapprocher de la rade de Brest. Progressivement, les sujets maritimes l’emportent sur la vie rurale.

En 1871 et en 1872, il séjourne à Camaret où, en dépit de conditions météorologiques difficiles, il peint une série de marines aux accents particulièrement puissants : « Grâce aux soins de la patronne qui s’est ingéniée à me fabriquer des passe-montagne en tricot, casquette à rabat de flanelle & autres douceurs, j’affronte des temps affreux sur les côtes où le vent règne sans trêve » [20 octobre 1872]. En 1872 toujours, mais aussi en 1873, il se rend à Paimpol et à Portrieux, où il peint le retour des goélettes de Terre-Neuve. Sa vision objective est dénuée de cet aspect sentimental qui sera bientôt mis à l’honneur par Pierre Loti et, au cours des années 1880, par les peintres naturalistes.

Il délaisse ensuite la Bretagne, jusqu’en 1897. Il entreprend alors un périple de trois mois, de Saint-Nazaire à la Pointe-du-Raz, en passant par Pont-Aven et Belle-Ile. L’ultime jugement est sans appel : « Ma foi, ça ne vaut pas nos côtes normandes, malgré les on-dit des visiteurs et la rude écorce de granit du sol » [à Louis Boudin, 28 mai 1897]. Toutefois, la plupart des peintures exécutées à cette occasion s’avèrent d’une remarquable liberté de touche et, parfois, d’un chromatisme fort.

Sauf mention contraire dans le texte, toutes les citations sont extraites de la correspondance d’Eugène Boudin conservée à l’Institut national d'histoire de l'art (INHA).
Eugène BOUDIN (1824-1898), Le Pardon de Sainte-Anne-la-Palud au fond de la baie de Douarnenez (Finistère), 1858, huile sur toile, 87 x 146,5 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Eugène BOUDIN (1824-1898), Le Pardon de Sainte-Anne-la-Palud au fond de la baie de Douarnenez (Finistère), 1858, huile sur toile, 87 x 146,5 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Eugène BOUDIN (1824-1898), Bretagne. Scène d’intérieur, 1865-1870, huile sur bois, 22,6 x 31 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Eugène BOUDIN (1824-1898), Bretagne. Scène d’intérieur, 1865-1870, huile sur bois, 22,6 x 31 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Eugène BOUDIN (1824-1898), Hanvec. Intérieur d’église, ca. 1865, huile sur toile, 49,7 x 61,4 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Eugène BOUDIN (1824-1898), Hanvec. Intérieur d’église, ca. 1865, huile sur toile, 49,7 x 61,4 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Eugène BOUDIN (1824-1898), Le Croisic. Vue générale prise de Pen Bron, 1897, huile sur toile, 50,4 x 74 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Eugène BOUDIN (1824-1898), Le Croisic. Vue générale prise de Pen Bron, 1897, huile sur toile, 50,4 x 74 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Eugène BOUDIN (1824-1898), Intérieur de l’ancienne halle de la place Saint-François à Quimper, ca. 1858, huile sur bois, 16,5 x 23,5 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Eugène BOUDIN (1824-1898), Intérieur de l’ancienne halle de la place Saint-François à Quimper, ca. 1858, huile sur bois, 16,5 x 23,5 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Eugène BOUDIN (1824-1898), Port en Bretagne, 1857-1858, graphite sur papier vélin, 17,6 x 27,4 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Eugène BOUDIN (1824-1898), Port en Bretagne, 1857-1858, graphite sur papier vélin, 17,6 x 27,4 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Eugène BOUDIN (1824-1898), Le passage du bac à Plougastel, ca. 1869-1872, huile sur toile, 31,5 x 46,4 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Eugène BOUDIN (1824-1898), Le passage du bac à Plougastel, ca. 1869-1872, huile sur toile, 31,5 x 46,4 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Eugène BOUDIN (1824-1898), La Pointe du Raz, 1897, huile sur toile, 64,5 x 90,5 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Eugène BOUDIN (1824-1898), La Pointe du Raz, 1897, huile sur toile, 64,5 x 90,5 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Eugène BOUDIN (1824-1898), Retour du Terre-Neuvier, 1875, huile sur toile, 73,5 x 100,7 cm. Chester Dale Collection. © Washington, National Gallery of Art
Eugène BOUDIN (1824-1898), Retour du Terre-Neuvier, 1875, huile sur toile, 73,5 x 100,7 cm. Chester Dale Collection. © Washington, National Gallery of Art
Eugène BOUDIN (1824-1898), Bateaux de pêche à Kerhor, 1872, huile sur toile, 40,2 x 65,4 cm. Bequest of Clinton Wilder. © Princeton, University Art Museum
Eugène BOUDIN (1824-1898), Bateaux de pêche à Kerhor, 1872, huile sur toile, 40,2 x 65,4 cm. Bequest of Clinton Wilder. © Princeton, University Art Museum