L'impressionnisme : un mouvement moderne

Des débuts difficiles

Le 15 avril 1874 au 36 boulevard des Capucines à Paris, une nouvelle exposition est inaugurée dans l’immeuble vide du photographe Nadar. Trente-cinq peintres se sont réunis en une « Société anonyme des artistes peintres, sculpteurs, graveurs, etc. ». Lassés de voir leurs travaux refusés au Salon, ils présentent pendant un mois plus de cent cinquante œuvres. Parmi eux, Edgar Degas, Eugène Boudin, Claude Monet, Paul Cézanne, Alfred Sisley, Camille Pissarro, Auguste Renoir et quelques autres.
Avec leur volonté de représenter le motif en fonction de la lumière et de ses effets, les impressionnistes remettent en question les principes artistiques qui définissaient jusqu’alors la représentation picturale.
Cette exposition déchaine donc la critique. Les journalistes se moquent, les caricaturistes s’en donnent à cœur joie. Reprenant le titre du tableau de Monet, Impression Soleil Levant réalisé sur le port du Havre en 1872-73, Louis Leroy, chroniqueur au journal Le Charivari, les qualifie de manière péjorative d'« impressionnistes ». Par défi, les peintres adopteront ce nom et, au total, huit expositions impressionnistes se succèdent à Paris, de 1874 à 1886.
Leurs débuts sont difficiles car en s’éloignant du Salon officiel, les impressionnistes se coupent du circuit ordinaire des commandes. Ce sont les marchands d’art comme Paul Durand Ruel ou les collectionneurs comme l’éditeur Georges Charpentier, qui vont diffuser et valoriser les œuvres des impressionnistes. Grâce à eux, ces peintres finissent par connaître leurs premiers succès mais la vente d’un tableau à un collectionneur privé ne garantit pas à l’artiste une publicité comparable à celle d’un achat par l’État.

Monet, Impression soleil levant
Claude Monet, Impression soleil levant, 1872-1873, huile sur toile, 48 x 63 cm. Musée Marmottan, Paris

Restituer la lumière

Les impressionnistes cherchent avant tout à capter l’impression fugitive de l’instant grâce à la lumière. Ils tentent de restituer la sensation visuelle des variations lumineuses et sont naturellement attirés par tout ce qui réfléchit les rayons du soleil (neige, nuage, eau). Selon l'heure du jour, la saison ou le temps qu’il fait, un même paysage connaît de sensibles variations. Pour fixer sur la toile cette lumière qui se modifie à chaque instant, ces artistes vont peindre sur le motif, souvent par petits groupes de deux ou trois, dans la nature aux environs de Paris et en Normandie. Ils utilisent des couleurs pures posées les unes à côté des autres en touches rapides et fragmentées.

Les couleurs

Un des aspects les plus révolutionnaires de la peinture des impressionnistes est leur utilisation des teintes. Ils ne suivent pas les instructions officielles de l’Académie, mais s’inspirent des découvertes scientifiques sur la couleur. Ils refusent le noir pour les ombres. Résultat : les œuvres sont plus claires, plus lumineuses, plus colorées.
Les peintres connaissent l’étude De la Loi du Contraste Simultané des Couleurs publiée en 1839 par le chimiste Eugène Chevreul, qui range les couleurs dans un cercle et établit des correspondances entre elles. Afin de restituer la lumière, les impressionnistes juxtaposent des teintes de nuances opposées, laissant l'œil recomposer à distance la combinaison. Ce phénomène est désigné sous le nom de « mélange optique ». Monsieur Chevreul remarque aussi que les couleurs complémentaires se mettent mutuellement en valeur : un bleu paraît plus bleu s’il est posé près d’un orange. C’est le contraste simultané des couleurs. Les impressionnistes utilisent beaucoup ce procédé pour donner de l’intensité à leurs toiles.

La composition

Les toiles impressionnistes sont souvent construites sur un équilibre entre de grandes masses colorées juxtaposées, qui ne sont pas fondues.
Les estampes japonaises, qui circulent à cette époque, et dont Monet fut un fervent collectionneur, constituent à cet égard un modèle nouveau. Avec leurs motifs simplifiés, souvent tronqués, leurs plans juxtaposés, les estampes japonaises aident les artistes à dépasser la vision occidentale traditionnelle pour aborder différemment leurs compositions.
L’invention de la photographie a également joué un rôle majeur dans l’art du XIXe siècle. Cette nouvelle technique offre aux artistes la possibilité d'appréhender de nouveaux cadrages tout en figeant le motif à un instant précis, restituant ainsi les effets atmosphériques présents lors de la prise du cliché.

Vers la reconnaissance

Après de longues années de lutte, le succès public se dessine à la fin des années 1880, les impressionnistes commencent alors à connaître une certaine renommée, que Durand-Ruel tente d'élargir outre-Atlantique. Quelques semaines avant l'exposition de 1886, le marchand s'embarque à destination de New York avec plus de 300 toiles de ses peintres, bien décidé à ouvrir le Nouveau Monde à l'art moderne. L'impressionnisme connaît ainsi un essor important dans les écoles de peintures étrangères.
L'année 1886, avec la dernière exposition du groupe et l'avènement du néo-impressionnisme, marque la fin de l'aventure impressionniste en France. L'histoire du mouvement fut donc relativement brève, et certains des peintres qui ont accompagné ce mouvement dès son commencement, comme Renoir, Cézanne, Degas, Guillaumin, évolueront ultérieurement de façon nettement distincte.

L'impressionnisme au MuMa

Consciente qu'il convient de donner sa place à l'école impressionniste, la Ville du Havre achète très tôt des œuvres à Pissarro (L'Avant-port du Havre. Matin. Soleil. Marée et L'anse des Pilotes et le brise-lames est, Le Havre, après-midi, temps ensoleillé en 1903) et à Claude Monet (Les Falaises de Varengeville, Le Parlement de Londres et Les Nymphéas en 1911).
En 1900, Louis Boudin donne à la Ville du Havre le fonds d'atelier de son frère Eugène. Il contribue ainsi à l'enrichissement des collections avec 224 esquisses peintes sur toile, carton, panneau de bois. Ces œuvres d'Eugène Boudin sont des témoignages irremplaçables sur le travail en plein air quotidien du peintre.
En 1936, Charles-Auguste Marande lègue à la Ville du Havre sa collection. C'est ainsi que de nouvelles pièces impressionnistes (Renoir, Monet, Pissarro), mais aussi des œuvres fauves (Marquet, Kees van Dongen, Camoin) font leur entrée au musée.
En 2004, le musée d'art moderne André Malraux se voit très généreusement offrir, par donation d'Hélène Senn-Foulds, l'extraordinaire collection de son grand-père, Olivier Senn natif du Havre. Sa fine connaissance du milieu artistique lui a permis d'acquérir des œuvres majeures, parmi lesquelles des Courbet, Delacroix, Corot, mais surtout des impressionnistes tels que Renoir, Sisley, Monet, Pissarro, Guillaumin, Degas, des post-impressionnistes tel que Cross, des Nabis comme Sérusier, Vallotton, Bonnard et Vuillard, des Fauves comme Derain, Marquet et Matisse....
Cette donation fait désormais du musée d'Art moderne André Malraux l'un des plus riches musées français en oeuvres autour de l'impressionnisme. Ainsi grâce à leur diversité les collections du MuMa consacrent l’éclectisme des sensibilités et des styles dits impressionnistes.

L'IMPRESSIONNISME AU FIL DE L'EAU     |     Parcours dans les collections du MuMa Le Havre

Portrait d'Eugène Boudin

Eugène Boudin (Honfleur 1824 - Deauville 1898)

C’est l’un des plus grands peintres de l’air et de la lumière du XIXe siècle. Il crée une nouvelle manière de représenter le paysage qui influence les impressionnistes. Boudin est l’un des premiers à travailler en plein air plutôt qu’en atelier afin de peindre la lumière naturelle en observant le paysage qu’il a sous les yeux. En 1874, il participe à la première exposition des impressionnistes avant de reprendre sa route en solitaire.


© MuMa Le Havre / David Fogel

Entrée des jetées du Havre par gros temps

1895, huile sur toile, 57,5 x 80 cm

Le sujet de cette toile se prête à la transcription de la violence des éléments.

Le peintre choisit de ne pas utiliser une perspective frontale. Il installe sa composition suivant trois obliques : celle peu marquée de la jetée, et à gauche, celles du brise lames et de la ligne du rivage. Le point de fuite se situe, à gauche, en dehors du cadre de l’image. Cette perspective, lui permet de représenter dans un même espace une vague saisie à des moments différents de son déroulement, comme dans un découpage photographique.

Près du rivage, sur la gauche, la vague se brise violemment sur la digue en un jaillissement d’écume blanche, traitée par empâtement. Le phare blanc, placé au bout de la jetée semble se dédoubler. Le peintre exprime ainsi la violence du vent et rend perceptible l’humidité de l’air. La lumière se diffracte à travers les minuscules gouttelettes en suspension. L’horizon est bouché par la masse grise des nuages bas et le voile d’humidité. La fumée d’un vapeur à peine discernable, se confond avec eux.

Eugène Boudin se place ici dans le paysage et exprime ce que ses sens perçoivent.

Crépuscule sur le bassin du Commerce au Havre

© MuMa Le Havre / David Fogel

Crépuscule sur le bassin du Commerce au Havre

vers 1892-1894, huile sur toile, 40 x 55 cm

Eugène Boudin, fils de marin, s’attache très tôt à la représentation de vues portuaires. Le Havre, ses plages et son port seront pour lui une source majeure d’inspiration durant toute sa carrière.

Dans ce tableau, l’artiste multiplie les effets de couleur, les bleus, les gris, les roses et les jaunes pour donner l’illusion du crépuscule. La touche de l’artiste est rapide et libre, les formes des mâts et des bâtiments sont à peine esquissées. Cette toile fixe l’atmosphère fugitive d’un coucher de soleil au brouillard diffus.

En 1858, Monet rencontre son véritable maître Eugène Boudin qui lui conseille de peindre en plein air et lui apprend à observer la réalité avec un regard de peintre. Cette œuvre est très proche, par le site choisi, et par son atmosphère d’Impression, soleil levant, le tableau de Monet qui donna son nom à l’Impressionnisme…

Monet, Impression soleil levant
Claude Monet, Impression soleil levant, 1872-1873,
huile sur toile, 48 x 63 cm. Musée Marmottan, Paris

Étude de ciel sur le bassin du Commerce au Havre

© MuMa Le Havre / David Fogel

Étude de ciel sur le bassin du Commerce au Havre

vers 1888-1895, huile sur bois, 27 x 41 cm

Dans cette œuvre ce n’est plus le paysage en soi qui prime mais l’atmosphère dans laquelle il baigne. Le but de l’artiste est de donner l’illusion d’une heure ou d’une situation météorologique précise.

Ce tableau de ciel donne l’impression d’un instantané car la touche fractionnée du peintre est rapide et libérée. Ici l’effusion des couleurs permet de reconnaître le moment de la journée. Les formes des bateaux, qui se réduisent à des signes noirs, évoquent la peinture chinoise.

Camille Corot surnomme Eugène Boudin « le roi des ciels » car il peint les nuages avec vitalité, puissance et poésie en déclinant à l’envi une multitude de variations de couleurs subtiles pour évoquer les infinies nuances du ciel et de la mer.

Monet, Impression soleil levant
Claude Monet, Impression soleil levant, 1872-1873,
huile sur toile, 48 x 63 cm. Musée Marmottan, Paris
Portrait d'Eugène monet

Claude Monet (Paris 1840 – Giverny 1926)

C’est au Havre, où s’installent ses parents lorsque qu’il a cinq ans, que Monet peint, en 1872, le fameux tableau Impression soleil levant* qui donna son nom au mouvement. En 1890, il décide de ne pas participer à l’organisation d’une nouvelle exposition, c’est ainsi que l’unité du groupe s’achève. La même année, il achète sa maison de Giverny dans laquelle son œuvre prendra une dimension supplémentaire.

Étude de ciel sur le bassin du Commerce au Havre

© MuMa Le Havre / David Fogel

La Seine à Vétheuil

1878, huile sur toile, 50,5 x 61,5 cm, collection Senn

En 1878, Monet qui connaît des problèmes d’argent doit quitter Argenteuil pour s’installer à Vétheuil, situé à quatre-vingts kilomètres de Paris. Dans ce petit bras de la Seine à Vétheuil, l’artiste peint la lumière blonde du matin qui transfigure un début d’automne.

La surface du tableau, véritablement vibratoire, est animée d’une touche fragmentée déjà expérimentée à Argenteuil. Le miroir de l’eau inverse dans un glacis à peine plus transparent, l’animation tranquille d’un ciel d’été finissant. Le véritable sujet du tableau est avant tout la lumière de l’automne avec les reflets fugaces du ciel et des arbres dans l’eau.

Pour traduire le dialogue incessant de la nature et de la lumière, Claude Monet peint sur le motif. Les formes esquissées et la touche rapide du peintre renforcent l’impression de spontanéité.

Crépuscule sur le bassin du Commerce au Havre

© MuMa Le Havre / David Fogel

Soleil d’hiver, Lavacourt

1879-1880, huile sur toile, 55 x 81 cm

Des fenêtres du premier étage de la maison de Monet à Vétheuil, orientée au sud-ouest, la vue s'étend sur une boucle de la Seine. En hiver, le soleil se couche derrière le hameau de Lavacourt, sur la rive opposée. De son bateau-atelier amarré en bas du jardin, Monet travaille sans relâche à l'affût des fluctuations du paysage. Alors qu'il multiplie les points de vue sur Vétheuil, l'hiver 1879-1880, l'un des plus rigoureux de l'histoire, va lui offrir un motif nouveau et les éléments d'une série de vingt-quatre toiles.

Tout entier baigné d'une calme lumière rosée, ce tableau est peint en plein cœur de l'hiver. Organisée autour de l'horizontale haute correspondant à la rive opposée de la Seine, la composition est simple. À l'arrière-plan, le village sépare tout en les reliant les deux éléments contrastés que sont le ciel et l'eau. La touche longue, régulière et parallèle utilisée dans la partie basse du tableau accentue le caractère horizontal de la composition. Fortement divisée, elle laisse apparaître la toile en réserve.

L'harmonie colorée du paysage provient du contraste entre deux couleurs complémentaires, l'orangé et le bleu, conformément aux règles issues de la décomposition optique de la lumière qui ont gouverné l'œuvre des peintres coloristes depuis Delacroix.


© MuMa Le Havre / David Fogel

Les Falaises de Varengeville

1897, huile sur toile, 64 x 91,5 cm

Monet connaît bien la côte normande dont il a parcouru les falaises, les plages et les grèves. En 1896 puis en 1897, son retour à Pourville le pousse de nouveau vers ce pan de falaise dominant la mer et la gorge du Petit-Ailly. Plus d’une dizaine de toiles sont consacrées à ce motif. Lumineuse et ensoleillée, la version du MuMa fait partie d’une mini-série.

Dans ce tableau, la lumière de l’après-midi tombe verticalement et noie les repères topographiques. Les formes, la mer, la falaise, se dissolvent et en deviennent un champ de peinture presque abstrait. Les voiliers, à peine notés, ponctuent discrètement la faille modelée par les nuances de roses de la falaise qui déborde au-delà des limites du tableau.

Malgré la spontanéité apparente, Monet termine la majorité de ses toiles dans son atelier loin des lieux où il les avait commencées. Plutôt que s’attacher à la représentation de la nature, il la reconstruit dans un tableau dont la mise en page est accentuée par une ligne d’horizon remontée à la lisière du cadre. La silhouette simplifiée et la perspective inversée mettent en avant le premier plan. La touche traverse la surface de légères arabesques. Tout évoque ici l’influence du japonisme.

Dans cette toile conservée au MuMa, Henri-Edmond Cross (1856-1910) utilise la technique du pointillisme, inventée par Georges Seurat le chef de file du mouvement néo-impressionniste. Le pointillisme consiste à peindre par petites touches des points de couleurs primaires et complémentaires, sur le principe du mélange optique.

Cross, Plage de la Vignasse, les Iles d'Or
Henri-Edmond Cross, Plage de la Vignasse, les Iles d'Or, 1891-1892,
huile sur toile, 65,5 x 92,2 cm © MuMa Le Havre / David Fogel

Paul Cézanne, (1839-1906) est un peintre français qui fut membre du mouvement impressionniste. Il est surtout considéré comme le précurseur du cubisme. Il est l'auteur de nombreux paysages de la campagne d'Aix-en-Provence et a notamment réalisé plusieurs toiles ayant pour sujet la montagne Sainte-Victoire. Ce sont ses amis peintres, comme Pissarro et Renoir, qui surent, les premiers, déceler ses intentions et reconnaître ses qualités.

Portrait Pierre-Auguste pissarro

Camille Pissarro (Saint-Thomas, Antilles 1830 - Paris 1903)

L'aîné des impressionnistes utilise les modulations de couleur pour suggérer la profondeur spatiale tout en gardant une grande rigueur dans la composition. A Pontoise, il est rejoint par Cézanne* son ami et élève qui peint à ses côtés les mêmes paysages. Pissarro s'essaya un temps à la technique pointilliste des
néo-impressionnistes* mais il revient en 1890 à son ancienne manière en renouvelant ses sujets.

Étude de ciel sur le bassin du Commerce au Havre

© MuMa Le Havre / David Fogel

Un carrefour à l’Hermitage Pontoise

1876, huile sur toile, 52,6 x 60,3 cm, collection Senn

Pissarro vit à Pontoise de 1872 à 1882, années où il connaît des problèmes d’argent. Lors de ses promenades, il s’intéresse à la vie quotidienne à la campagne et aux travaux des champs. Dans un carrefour à l’Hermitage, quelques silhouettes vaquent à leur occupation quotidienne à la croisée des chemins. Un ciel lumineux ponctué de nuages rebondis fait vibrer la couleur de l’automne.

La composition est fortement calée entre le rideau d’arbre au bord du sentier sur la droite et la grande bâtisse partiellement cachée à gauche. La ligne d’horizon est rejetée en haut de la toile par-delà les collines. Se faisant, Pissarro néglige les effets atmosphériques chers à Claude Monet, pour se concentrer sur la structure et l’harmonie des différents plans.

En zone fortement colorée, le peintre rythme sa toile avec le vert des parcelles cultivées du coteau, les bruns rougeâtres de la terre des labours et le premier plan du sentier. Jamais Pissarro n’avait porté la couleur à une telle intensité, ajoutant de l’oranger sur les toits de tuiles, accentuant l’éclat de tout le tableau. Il construit l’espace au moyen d’une touche ample et multi directionnelle, de larges aplats simplifiés de couleurs brillantes structurent l’ensemble de la toile.

Crépuscule sur le bassin du Commerce au Havre

© MuMa Le Havre / David Fogel

Quai du Pothuis, bords de l’Oise

1882, huile sur toile, 46,3 x 55,3 cm, collection Senn

Le 18 septembre 1882, assailli de problèmes financiers, Pissarro quitte Pontoise à regret pour les bords de l’Oise sur le quai du Pothuis.

Dans cette toile on retrouve l’île qui s’étire sur le côté gauche, en contrebas de la vieille ville de Pontoise dessinée dans le lointain. Au fond, le pont enjambe l’Oise et se confond avec l’hôtel-Dieu et la vieille ville, silhouette incandescente sur les berges dans les derniers rayons du soleil d’une fin de journée d’hiver.

Ici, Pissarro s’intéresse aux effets atmosphériques, à la brume qui enveloppe toute chose. Dans une touche petite et vibrante, les éléments fusionnent sous le soleil couchant qui teinte d’un rose doré le ciel, la terre et l’eau. Les passants vus de dos et à contre-jour se fondent dans une magie colorée qui donne toute son intimité à l’œuvre. Pissarro cherche non plus à décrire un lieu, mais à recréer l’atmosphère qui s’en dégage.

Le travail sur la sensation et l’impression qui l’entraînera sur la voie du néo-impressionnisme pendant quelques années est déjà en germe dans cette œuvre. Elle annonce les séries de peinture urbaines des dix dernières années de sa vie, notamment avec la série des vues de port, de Rouen, Dieppe, Le Havre, dès 1896.


© MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn

Eragny, soleil levant

1894, huile sur toile, 64 x 72,5 cm, collection Senn

C’est à Eragny, petit village situé entre Paris et Dieppe, que Pissarro s’installe en 1892. Quand il peint Soleil levant à Eragny, l'influence du néo-impressionnisme apparaît clairement à travers la touche vibrante et lumineuse.

Ici le soleil qui se lève sur la campagne donne son titre à l’œuvre. La lumière rasante construit la toile en zones verdoyantes alternant avec des zones sombres en fort contre-jour. Les rayons lumineux du soleil s'insinuent à travers peupliers et arbres fruitiers créant un effet de perspective extrêmement recherché. Les deux figures se fondent dans les ombres des pommiers de la prairie et ne se distinguent que petit à petit, une fois notre œil accoutumé à la lumière.

L'artiste a peint jusqu'à la fin de sa vie en ce lieu s'attachant à chaque recoin de son pré, les grands hêtres qui le bordent, les pommiers dans le verger adjacent à la maison, la plaine et les toits de Bazincourt.

Charles Gleyre (1806-1874) est un peintre académique au dessin irréprochable, nommé professeur à l'École des Beaux-arts de Paris en 1843. Certains des peintres impressionnistes seront formés dans son atelier comme Monet, Renoir et Sisley.

Portrait Pierre-Auguste Renoir

Pierre-Auguste Renoir (Limoges 1841 – Cagnes-sur-Mer 1919)

Il fait ses études aux Beaux-arts, et chez le peintre Gleyre* où il rencontre Monet et Sisley. Ensemble, ils constitueront le noyau central du mouvement impressionniste. De tous les impressionnistes, Renoir est celui qui représenta la figure humaine et le bonheur de vivre dans le plus grand nombre d'œuvres. Sans relâche il poursuivit ses recherches esthétiques faisant ainsi évoluer son style tout au long de sa carrière.

Étude de ciel sur le bassin du Commerce au Havre
© MuMa Le Havre / David Fogel

Portrait de Nini Lopez

1876, huile sur toile, 54 x 39 cm, collection Senn

Cette jeune femme, qui s’appelle Nini Lopez, est un des modèles préférés de Renoir. Elle apparaît dans quatorze de ses œuvres entre 1875 et 1879.

Renoir a toujours aimé peindre des portraits, notamment de femmes. Ici, l’artiste cherche à traduire les reflets changeants de la lumière sur la figure humaine et utilise une palette lumineuse, mariant des bleus intenses, des blancs éclatants rehaussés de lilas et de quelques pointes de violets sur le visage du modèle. Il se concentre sur le rendu de la lumière douce en arrière de la jeune femme qui jette de petits éclats sur sa peau et son foulard. Elle n’est pas habillée richement, ses seuls ornements sont sa beauté et la lumière dont Renoir l’enveloppe.

Le tableau qui ménage une large place à l’étude de la lumière, a vraisemblablement été exécuté à proximité de l’une des fenêtres ouvrant sur le jardin de l’atelier de l’artiste, rue Cortot située sur la butte Montmartre à Paris.

Crépuscule sur le bassin du Commerce au Havre

© MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn

Femme vue de dos

vers 1875-1879, huile sur toile, 27,1 x 22,1 cm, collection Senn

Cette oeuvre fait partie des esquisses qui permettaient à Renoir d’exercer sa main, de trouver les bons accords de tons avant d’entamer l’exécution de ses nus.

Dans cette toile, Renoir se livre à une étude attentive de la lumière sur la peau de son modèle et sur sa chevelure. La matière très lisse qui juxtapose des auréoles multicolores est caractéristique du travail qu'il poursuit entre 1876 et 1879. Renoir exploite ici son talent de coloriste avec des tons verdâtres et jaunâtres relevés de stries violacées ou bleutées.

Le dessin pratiquement inexistant intervient pour cerner la silhouette d'un sein ou affermir le contour d'une épaule ou celui de la nuque. Sur le fond hâtivement brossé, se détache le dos de la jeune femme traité avec une telle délicatesse de touche qu'on pourrait croire à un travail au pastel. Avec cette matière très fine, le peintre parvient à restituer la transparence de la peau de son jeune modèle, tandis que la chevelure blonde illumine l’ensemble de la composition.


© MuMa Le Havre / David Fogel

L’Excursionniste

vers 1888, huile sur toile, 61,5 x 50 cm

Dans cette toile seul le bâton de marche que tient le personnage féminin, assis de face, permet d'expliquer le titre de l'œuvre. Les notations de paysage, souvent vagues, créent une atmosphère colorée qui répond et vient soutenir la couleur plus prononcée du personnage. Malgré l'impression de plein air qui s'en dégage, cette peinture a vraisemblablement été composée en atelier.

Œuvre de transition, L'Excursionniste est peinte par superposition de couches très fines qui permettent un passage très subtil d'une couleur à l'autre. La touche impressionniste a pratiquement disparu pour faire place à une peinture fluide et lisse. Caractéristique des représentations de jeunes filles peintes par Renoir dans la première décennie du XXe siècle, ce tableau à l'atmosphère calme et lumineuse apparaît comme une image parfaite du bonheur, telle que nous l'ont transmise les maîtres de l'impressionnisme.

Portrait d'Eugène sisley

Alfred Sisley (Paris 1839 – Moret-sur-Loing 1899)

Poussé par des difficultés financières, il s’établit dans la région de Moret-sur-Loing, en lisière de la forêt de Fontainebleau. C’est là que dans les années 1860, Sisley peint ses premiers paysages de plein air en compagnie de Monet et Renoir. Ces œuvres lumineuses, aux harmonies délicates et dotées d'une magie poétique rappellent discrètement son origine britannique.

Étude de ciel sur le bassin du Commerce au Havre

© MuMa Le Havre / David Fogel

Le Loing à Saint-Mammès

1885, huile sur toile, 55 x 73,2 cm, collection Senn

A partir de 1882, Sisley explore les bords du Loing entre Moret, ville de campagne médiévale et Saint-Mammès réputée pour ses constructions de bateaux.

Malgré le titre de cette toile, le Loing à Saint-Mammès, le peintre semble s’être posté à l’exact point de vue de la rivière se jetant dans la Seine, sur la berge du Loing, le regard balayant le fleuve et la petite ville. On devine le pont noyé dans le bleu laiteux du lointain et le cours de la rivière fuit vers une ligne d’horizon abaissée sous un ciel immense.

Le ciel occupe ici les deux tiers de la composition. Sisley attribue un rôle « architectural » au ciel, dont les différents plans contribuent à donner de la profondeur à son tableau. Dans le magistral avant-plan de la berge, véritable espace d'abstraction pure, l'artiste projette l'ombre portée des nuages en touches libres et énergiques, comme sur une palette de couleurs. Les façades des maisons concentrent un nuancier raffiné de gris coloré bleu, pourpre, mauve et lilas. En contraste, l’orange vif des tuiles coiffant les toits équilibre la masse sombre de la péniche. Chaque plan est animé d'une touche caractéristique : touche enlevée et somptueuse pour la berge, aplats structurés des maisons, légèreté vibrante de la végétation, transparence du ciel.


© MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn

Le Pont de Moret, effet d’orage

1887, huile sur toile, 63,5 x 76,2 cm

Daté de 1887, ce tableau est le premier d’une longue série consacrée au pont de Moret qui a nourri l’inspiration de Sisley pendant huit ans. A la vue frontale des premières toiles, succède une vue de trois-quarts qui fait la part belle au pont et surtout au Loing, affluent de la Seine. Cependant, le peintre ne limita pas sa représentation de Moret à ce thème pittoresque. Suivant une logique d’encerclement du motif, il tourna autour de la ville pour en obtenir au final une vision panoramique.

Pour Sisley et d’autres impressionnistes comme Monet, le pont constituait un sujet de prédilection, reflétant parfaitement les bouleversements de leur époque. Le pont médiéval de Moret ne s’inscrit pas dans cette thématique moderniste, bien au contraire. Ici, le peintre souligne plutôt le caractère immuable d’une France rurale qui vit au rythme des activités traditionnelles. Sisley joue également sur le contraste entre la permanence de la cité médiévale et l'aspect extrêmement changeant du ciel et de la rivière.

Même si l’ensemble donne une impression de grande spontanéité, le pont est l’occasion de mener une étude approfondie des jeux de la lumière. A chaque partie du paysage correspond une facture appropriée à la luminosité. Au premier plan, l’artiste enregistra les reflets sur la surface ondoyante au moyen de touches larges et horizontales, bien distinctes, posées d’un geste saccadé. Ce geste s’apaise pour décrire les édifices de pierre. Choisies dans un camaïeu d’ocres et de mauves, les couleurs sourdes des bâtiments vibrent doucement sous un ciel où les nuages tourbillonnent sous l’effet d’une brosse très vigoureuse.

Entre 1893 et 1894, Sisley réalisa quatorze versions différentes de la cathédrale que l’on aperçoit ici à l’arrière-plan. Sa série fut loin d’obtenir le même succès que celle de Monet. Cet accueil très réservé est à l’image des difficultés que Sisley a connu toute sa vie pour vendre ses œuvres.

Crépuscule sur le bassin du Commerce au Havre

© MuMa Le Havre / David Fogel

La Seine au point du jour

1877, huile sur toile, 38,2 x 46,2 cm

C'est tout une image de l'Ile-de-France industrieuse que Sisley s'est plu à représenter dans de nombreuses toiles. Une forte zone industrielle s'était développée le long de la Seine depuis le pont de Grenelle jusqu'au quai du Point-du-Jour, près de la porte de Saint-Cloud, pour continuer jusqu'à Billancourt et Suresnes. Par les peintures de Sisley, on peut ainsi effectuer un parcours épousant les boucles de la Seine à l'ouest de Paris et suivre l'essor industriel de la capitale hors de ses frontières.

La couleur dans La Seine au point du jour participe à rendre compte d’une atmosphère douce et limpide. Ces petites touches de peinture qui semblent se fondre les unes dans les autres et qui appartiennent au mouvement impressionniste, recrées parfaitement le scintillement de l’eau. L'émotion du peintre face au paysage transparaît à travers le ciel nuancé, la clarté des tons et l'harmonie des couleurs.

Très proche de Monet à qui on le compare fréquemment, Sisley demeure tout au long de sa carrière un impressionniste par excellence.



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Directeur de la publication
Annette Haudiquet, conservateur en chef du musée d'art moderne André Malraux – MuMa Le Havre.

Conception du parcours
Le musée d'art moderne André Malraux – MuMa Le Havre :
Chef de projet : Hélène Fogel
Assistante : Aurélie Martel
Équipe projet : Annette Haudiquet, conservateur en chef ; Virginie Delcourt, attachée de conservation des collections ; Géraldine Lefebvre, attachée de conservation documentation ; Michèle Blanchard puis Marie Bazire, responsables des publics ; Jeanne Busato, Gaëlle Cornec, Karine Martin de Beaucé, Emmanuelle Riand, médiatrices.

Réalisation du parcours
David Witczak, elfe-crea.net

Crédits photographiques
© MuMa Le Havre / David Fogel
© MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn

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