Venise

Boudin se rend à Venise en 1895. Il est alors en pleine possession de ses moyens. Il se met aussitôt à la tâche : « je n’y suis pas venu pour me promener, j’ai commencé à y travailler et je voudrais avoir vingt ou trente ans de moins pour y faire un séjour utile à moi et à l’art » [à son frère, 26 mai 1895, collection particulière].

Boudin s’aventure sur le territoire d’un peintre dont le succès est alors considérable : Félix Ziem (1821-1921). Or, Ziem a triché avec la réalité : « Venise est quelque peu déguisée par les peintres habituels du pays qui l’ont bien un peu défigurée en en faisant un pays chauffé par les soleils les plus ardents et les plus chauds. Venise au contraire, comme tous les pays lumineux, est d’un coloris gris, l’atmosphère en est douce et brumeuse et le ciel s’y pare de nuages tout comme un ciel de nos contrées normandes et hollandaises » [à Durand-Ruel, 20 juin 1895]. Aussi Boudin est-il inquiet de l’accueil réservé à ses œuvres vénitiennes : « je ne voulais pas que mes études soient vues, je suis parti incontinent, afin d’éviter les curiosités indiscrètes » [à Durand-Ruel, 29 septembre 1895].

Sa production vénitienne recevra finalement un accueil favorable. Le peintre parlera d’une « inoubliable volupté de l’œil ». Venise lui a inspiré l’une de ses plus fines séries peintes, et dessinées. Il s’y montre coloriste raffiné. Jamais encore les tons, précieux et délicats, n’avaient été si clairs et si lumineux. Quant aux dessins, ils témoignent d’une science incomparable de la réserve, les formes se résumant à quelques traits de mine de plomb.

Quelques mois plus tard, malade, il confie à son ami Louis Braquaval (1854-1919) : « le voyage à Venise aura été mon chant du cygne ». Boudin expose pour la dernière fois en 1897, au Salon de la Société nationale des beaux-arts. Le numéro 147 s’intitule : Venise (huit études dans le même cadre). Toute sa vie, Boudin a dû lutter contre le goût de ses clients, lesquels exigeaient des peintures finies. Il s’accorde enfin le plaisir d’exposer des œuvres libres. Le catalogue de la vente posthume indiquera : « Ces huit vues étaient pour lui des morceaux de prédilection, dont il n’avait jamais voulu se défaire de son vivant ».
Eugène BOUDIN (1824-1898), La Place Saint-Marc à Venise vue du Grand Canal, 1895, huile sur toile, 50,2 x 74,2 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Eugène BOUDIN (1824-1898), La Place Saint-Marc à Venise vue du Grand Canal, 1895, huile sur toile, 50,2 x 74,2 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Eugène BOUDIN (1824-1898), Venise-Marine à Guidecca, 1895, huile sur toile, 37,1 x 50 cm. Bequest of Clinton Wilder. © Princeton, University Art Museum
Eugène BOUDIN (1824-1898), Venise-Marine à Guidecca, 1895, huile sur toile, 37,1 x 50 cm. Bequest of Clinton Wilder. © Princeton, University Art Museum
Eugène BOUDIN (1824-1898), Le quai des esclavons à Venise, 1895, huile sur toile, 50 x 74 cm. Paris, musée d’Orsay. © RMN-Grand Palais / Hervé Lewandowski
Eugène BOUDIN (1824-1898), Le quai des esclavons à Venise, 1895, huile sur toile, 50 x 74 cm. Paris, musée d’Orsay. © RMN-Grand Palais / Hervé Lewandowski
Eugène BOUDIN (1824-1898), Venise, le soir. Le Quai des Esclavons et la Salute, 1895, huile sur toile, 46 x 65 cm. Musée national des beaux-arts du Québec, don de la succession Maurice Duplessis. © MNBAQ / Patrick Altman
Eugène BOUDIN (1824-1898), Venise, le soir. Le Quai des Esclavons et la Salute, 1895, huile sur toile, 46 x 65 cm. Musée national des beaux-arts du Québec, don de la succession Maurice Duplessis. © MNBAQ / Patrick Altman
Charles COTTET (1863-1925), Venise, ca.1895-1896, huile sur toile, 73,2 x 92,5 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Charles COTTET (1863-1925), Venise, ca.1895-1896, huile sur toile, 73,2 x 92,5 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Félix ZIEM (1821-1911), Gondoles à Venise, huile sur toile, 32 x 45,5 cm. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Félix ZIEM (1821-1911), Gondoles à Venise, huile sur toile, 32 x 45,5 cm. © MuMa Le Havre / Charles Maslard