Le Musée en rêvant

Retour à deux voix sur ces visites des 29 et 30 janvier 2015
En partenariat avec Le Phare – CCN Le Havre Haute-Normandie
La blogueuse Alice au Havre se demande dans un article du 2 février 2015 « Mais où est donc passé le fin cordon muséal en velours rouge ? Celui qui nous empêche, toujours, de franchir la frontière entre notre histoire et celle du récit légendaire ? »
 
Le 29 janvier 2015 au MuMa : Le Musée en rêvant. © MuMa Le Havre / Marie Bazire
Le 29 janvier 2015 au MuMa : Le Musée en rêvant. © MuMa Le Havre / Marie Bazire
Et bien justement, c’est à franchir cette distance si souvent créée par l’imposante présence de l’institution que le MuMa invite le visiteur.
Depuis de nombreuses années, le musée développe ce que l’on appelle « des actions de médiation culturelle », autrement dit des activités destinées au public pour lui faire découvrir les œuvres de façon sensible, et, si possible, intelligente. Pour que le spectateur de l’œuvre trouve son chemin parmi les peintures, pour qu’il parvienne à se faire sa propre analyse. Pour qu’il prenne plaisir à arpenter les espaces d’exposition, aussi.
On nous demande souvent « mais qu’y a-t-il à y comprendre ? » Oui, les artistes, à travers leurs productions, ont des messages à nous faire passer. Mais ce langage qui leur est propre n’est pas inaccessible, comme on le pense souvent. On peut « comprendre » les œuvres, à la première condition d’apprendre à regarder, et de savoir lire son propre ressenti. Là est l’un de nos objectifs, vous aidez à y parvenir.
 
Comme la médiation culturelle n’est pas une science exacte, on le saurait sinon, il reste sans doute un ensemble d’expériences à mener, de tentatives à mettre en place, de nouvelles expériences à vous proposer.
Il en est une qui nous tient particulièrement à cœur. Pour faire suite à la riche rencontre avec la chorégraphe Micheline Lelièvre, nous avons imaginé ensemble de proposer au public du MuMa des visites insolites, guidées par elle, c’est-à-dire par quelqu’un qui ne détient pas nécessairement le savoir, mais qui, grâce à son expérience du corps et du mouvement, peut réussir à nous faire voir et ressentir différemment.
 
Micheline Lelièvre en 2014 au MuMa avec des élèves havrais. © Le Phare / Laetitia Passard
Micheline Lelièvre en 2014 au MuMa avec des élèves havrais. © Le Phare / Laetitia Passard
Après le Musée en courant, voici donc le Musée en rêvant. À l’occasion de l’exposition des photographies de Sabine Meier, Micheline Lelièvre proposait aux visiteurs de la suivre dans un parcours, sans doute étrange, mais néanmoins actif, au cœur de l’exposition. Marcher vite, marcher lentement. Regarder autour de soi en tournant sur soi-même. Avancer en prenant conscience de la place des autres visiteurs… autant de consignes données par la chorégraphe au cours de la visite. Et si l’on acceptait de se prêter au jeu, on se rendait compte, bien vite, et de façon extraordinairement forte et sensible, qu’il s’agissait de nous mener vers le travail de Sabine Meier, à l’intérieur des photographies. Impossible de passer à côté du personnage principal de la série « Portrait of a man », double du Raskolnikov du Crime et châtiment de F. Dostoïevski. Chacun aura heureusement ressenti des choses différentes, mais tous auront côtoyé d’un peu plus près l’obscur esprit du personnage.
C’est grâce à son travail d’artiste et à cette position si particulière que Micheline Lelièvre parvient à nous emmener en terre inconnue, en toute confiance, et à nous proposer une lecture singulière de l’œuvre de quelqu’un d’autre. Cette lecture, c’est un bon départ vers toutes les rencontres possibles avec les œuvres d’art. Une façon de se les approprier en dehors des « bonnes manières » que l’on entend voir au musée.

Car oui, on peut courir dans un musée, marcher la tête en bas… Il n’y a pas une façon de voir les œuvres, il y en a de multiples. À chacun de trouver la sienne et les visites étonnantes de Micheline Lelièvre peuvent nous y aider.
Et si maintenant, nous nous interrogions sur son œuvre à elle ? 

Justement, Micheline Lelièvre nous répond ! Nous la remercions pour son texte que voici :
« Un parcours dans l’exposition.
Ces propositions dans les musées sont nées de ma conviction que l’art serait plus volontiers à la disposition de tout un chacun, si seulement on donnait au visiteur plusieurs possibilités d’entrer dans les œuvres.
S’approprier celles-ci par notre propre perception serait l’un de ces possibles.
Mon objectif lors de ces visites particulières d’expositions est de faire vivre au visiteur, au travers de consignes simples, une expérience personnelle en relation aux œuvres.
En ce qui concerne l’exposition « Sabine Meier. Portrait of a man », la question était pour moi : qu’est-ce qui transparait au travers de ses œuvres et de leur mise en scénographie ?
Voici le fil que j’ai suivi :
J’ai d’abord relu Crime et châtiment pour m’imprégner du personnage dont l’exposition porte le nom : Raskolnikov.
L’idée de ville aussi était importante, d’une part Le Havre et New York sont deux villes que je fréquente régulièrement, d’autre part, l’idée de marche dans la ville est importante dans le roman. Raskolnikov marche beaucoup, on perçoit qu’il y a du monde, mais que tout à ses pensées il remplace les gens par ses pensées obsessionnelles.
Puis je suis revenue aux photos de Sabine Meier, au texte de Martine Lacas (historienne de l’art et auteur du texte qui accompagne la publication autour de l'exposition) et à la scénographie de l’exposition.
Comme une lecture palimpseste de la proposition, j’ai décidé de composer un parcours dans l’œuvre globale, en utilisant les notions d’inconfort, de perturbation et de circulation. Je voulais solliciter un état chez le visiteur, créer une relation complexe et compliquée pour la perception. Il m’importait que le visiteur ne se trouve jamais tranquillement, en observateur, d’une œuvre en particulier.
Entrer dans une photo, relier son état  de corps à celui des personnages, relier ceux-ci à leur environnement, ouvrir le regard sur les perspectives du lieu, garder à l’esprit les nombreux déplacements de Raskolnikov en nous déplaçant nous-mêmes rapidement dans l’exposition...
Tels ont été les moteurs de mes propositions.
Souvent, on me demande quel est le rapport entre la chorégraphie, la danse et les visites d’exposition. Si l’on pense à la danse, il est clair que l’expertise que nous avons au niveau de la perception, du rapport au corps est fondamentale pour ces explorations. En tant que chorégraphe, je crée un tissage d’actions et de relations entre des œuvres et un public, ce qui tout à fait le cœur de mon métier. »

 
Billet de blog du jeudi 26 février 2015

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